Du Codex à l'Écran : les trajectoires de l'écrit

Roger CHARTIER



          

"Le livre n'exerce plus le pouvoir qui a été le sien, il n'est déjà plus le maure de nos raisonnements ou de nos sentiments face aux nouveaux moyens d'information et de communication dont nous disposons désormais" [1] : cette conclusion d'Henri-Jean Martin constituera le point de départ de ma réflexion. Celle-ci voudrait repérer et désigner les effets d'une révolution redoutée par les uns ou applaudie par les autres, donnée comme inéluctable ou seulement désignée comme possible : à savoir, le bouleversement radical des modalités de production, de transmission et de réception de l'écrit. Dissociés des supports où nous avons l'habitude de les rencontrer (le livre, le journal, le périodique), les textes seraient désormais voués à une existence électronique : composés sur l'ordinateur ou numérisés, convoyés par les procédés télématiques, ils atteignent un lecteur qui les appréhende sur un écran.

Pour aborder ce futur (qui est peut-être déjà un présent) où les textes sont détachés de la forme du livre qui s'est imposé en Occident il y a dix-sept ou dix-huit siècles, mon point de vue sera double. Il sera celui d'un historien de la culture écrite, tout particulièrement attentif à nouer dans une même histoire l'étude des textes (canoniques ou ordinaires, littéraires ou sans qualité), celle des supports de leur transmission et dissémination, celle de leurs lectures, de leurs usages, de leurs interprétations. Il sera, également, le point de vue de l'un des participants (à un rang modeste) du projet de la Bibliothèque de France. L'un des axes essentiels de ce projet est, en effet, la constitution d'un important fonds de textes électroniques que l'on pourra transmettre à distance et qui pourront être l'objet d'un nouveau type de lecture, rendu possible par le poste de lecture assisté par ordinateur.

Ma première question sera celle-ci : comment situer dans l'histoire longue du livre, de la lecture et des rapports à l'écrit la révolution annoncée, en fait déjà commencée, qui fait passer du livre (ou de l'objet écrit) tel que nous le connaissons, avec ses cahiers, ses feuillets, ses pages, au texte électronique et à la lecture sur écran ? Il faut pour répondre à cette interrogation distinguer fortement trois registres de mutations dont les relations restent encore à établir. La première révolution est technique : elle bouleverse au milieu du XVe siècle les modes de reproduction des textes et de production du livre. Avec les caractères mobiles et la presse à imprimer, la copie manuscrite n'est plus la seule ressource disponible pour assurer la multiplication et la circulation des textes. De là, l'accent mis sur ce moment essentiel de l'histoire occidentale, considéré comme marquant l'Apparition du livre (c'est là le titre du livre pionnier de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin publié en 1958) [2] ou caractérisé comme une Printing Revolution (c'est celui de l'ouvrage d'Elizabeth Einsenstein paru en 1983) [3].

Aujourd'hui, l'attention s'est quelque peu déplacée, insistant sur les limites de cette première révolution. Il est clair, tout d'abord, que dans ses structures essentielles, le livre n'est pas modifié par l'invention de Gutenberg. D'une part, au moins jusque vers 1530, le livre imprimé reste fort dépendant du manuscrit : il en imite les mises en page, les écritures, les apparences et, surtout, il est considéré comme devant être achevé par la main : la main de l'enlumineur qui peint initiales ornées ou historiées et miniatures ; la main du correcteur, ou emendator, qui ajoute signes de ponctuation, rubriques et titres ; la main du lecteur qui inscrit sur la page notes et indications marginales [4]. D'autre part, et plus fondamentalement, après comme avant Gutenberg, le livre est un objet composé de feuilles pliées, réunies en cahiers reliés les uns aux autres ; en ce sens, la révolution de l'imprimerie n'est en rien une "apparition du livre". C'est douze ou treize siècles avant la nouvelle technique que le livre occidental trouve la forme qui demeurera la sienne dans la culture de l'imprimé.

Un regard jeté vers l'est, du côté de la Chine, de la Corée, du Japon, est une seconde raison pour réévaluer la révolution de l'imprimerie. Il montre, en effet, que l'utilisation de la technique propre à l'Occident n'est Pas une Condition nécessaire pour qu'existe une culture, non seulement écrite, mais encore imprimée de large assise [5]. Certes, en Orient, les caractères mobiles sont connus ; ils y ont même été inventés et utilisés bien avant Gutenberg : c'est au XIe siècle que sont utilisés en Chine des caractères en terre cuite, et au XIIIe que des textes sont imprimés avec des caractères métalliques en Corée. Mais, à la différence de l'Occident après Gutenberg, le recours aux caractères mobiles reste en Orient limité, discontinu, Confisqué par "empereur ou les monastères. Cela ne signifie pas pour autant l'absence d'une culture de l'imprimé de grande envergure. Elle est rendue possible par une autre technique : la xylographie, c'est-à-dire la gravure sur bois de textes qui sont ensuite imprimés par frottage. Attestée dès le milieu du VIIIe siècle en Corée, à la fin du IXe siècle en Chine, la xylographie porte dans la chine des Ming et des Qing comme dans le Japon des Tukogawa une très large circulation de l'écrit imprimé, avec des entreprises d'édition commerciales indépendantes des pouvoirs, un réseau dense de librairies et de cabinets de lecture, des genres populaires largement diffusés.

Il ne faut donc pas mesurer la culture imprimée des civilisations orientales à la seule aune de la technique occidentale, comme par défaut. La xylographie a ses avantages propres : elle est mieux adaptée que les caractères mobiles à des langues caractérisées par un très grand nombre de caractères ou, comme au Japon, par la pluralité des écritures ; elle maintient un lien fort entre l'écriture manuscrite et l'impression puisque les planches gravées le sont à partir de modèles calligraphiés ; elle permet, du fait de la résistance des bois durablement conservés, l'ajustement du tirage à la demande. Un tel constat doit conduire à une plus juste appréciation de l'invention de Gutenberg. Elle est certes fondamentale, mais elle n'est pas seule technique capable d'assurer une dissémination de large ampleur du livre imprimé.

La révolution de notre présent est, à l'évidence, plus que celle de Gutenberg, elle ne modifie pas seulement la technique de reproduction du texte, mais aussi les structures et les formes mêmes du support qui le communique à ses lecteurs. Le livre imprimé, jusqu'à nos jours, a été [héritier du manuscrit : pour l'organisation en cahiers, pour la hiérarchie des formats, du "libro da banco" au libellus, pour les aides à la lecture : travail de traitement de l'info, concordances, index, tables etc. [6]. Avec l'écran, substitué au codex, le bouleversement est plus radical puisque ce sont les modes d'organisation, de structuration, de consultation du sué port de l'écrit qui se trouvent modifiés. Une telle révolution requiert donc d'autres termes de comparaisons. L'histoire longue de la lecture et du traitement de l'info pour l'accès au contenu nous en fournit d'essentiels. Sa chronologie s'organise à partir du repérage de deux mutations fondamentales. La première met l'accent sur une transformation de la modalité physique, corporelle, de l'acte de lecture et insiste sur l'importance décisive du passage d'une lecture nécessairement oralisée, indispensable au lecteur pour la compréhension du sens, à une lecture possiblement silencieuse et visuelle [7]. Cette révolution concerne le long Moyen Age puisque la lecture silencieuse, d'abord restreinte aux scriptoria monastiques entre VIIe et XIe siècles, gagne le monde des écoles et des universités au XIIe, puis les aristocraties laïques deux siècles plus tard. Sa condition est l'introduction de la séparation entre les mots par les scribes irlandais et anglo-saxons du Haut Moyen Me, et ses effets sont tout à fait considérables, ouvrant la possibilité de lire plus rapidement, donc de lire plus de textes, et des textes plus complexes.

Une telle perspective suggère deux remarques. Tout d'abord, le fait que l'occident médiéval ait dû conquérir la compétence de la lecture en silence et par les yeux ne doit pas faire conclure à son inexistence dans l'antiquité grecque et romaine. Dans les civilisations antiques, pour des populations pour lesquelles la langue écrite est la même que la langue vernaculaire, l'absence de séparation entre les mots n'interdit aucunement la lecture silencieuse [8]. La pratique commune dans l'antiquité de la lecture à haute voix pour les autres ou pour soi, ne doit donc pas être attribuée à l'absence de maîtrise de la lecture par les yeux seuls (celle-ci est sans doute pratiquée dans le monde grec dès le VIe siècle avant J.C.) [9] mais à une convention culturelle qui associe fortement le texte et la voix, la lecture, la déclamation et l'écoute [10]. Ce trait subsiste d'ailleurs à l'époque moderne, entre XVIe et XVIIe siècle, lorsque lire en silence est devenu une pratique ordinaire des lecteurs lettrés. La lecture à haute voix demeure alors le ciment fondamental des diverses formes de sociabilité, familiales, savantes, mondaines ou publiques, et le lecteur que vise nombre de genres littéraires est un lecteur qui lit pour d'autres ou un "lecteur" qui entend lire. Dans la Castille du Siècle d'or, leer et oir, ver et escuchar sont de quasi synonymes, et la lecture à haute voix est la lecture implicite de genres poétiques, la comédie humaniste (pensons à la Celestina), le roman en toutes ses formes, jusqu'au Quichotte, l'histoire elle-même [11].

Seconde remarque en forme de question : ne faut-il pas accorder plus d'importance aux fonctions de l'écrit qu'au mode de sa lecture ? Si tel est le cas, une césure essentielle est à placer au XII. siècle lorsque l'écrit n'est plus seulement investi d'une fonction de conservation et de mémorisation, mais est composé et copié aux fins d'une lecture, entendue comme un travail intellectuel. A un modèle monastique de l'écriture succède, dans les écoles et les universités, un modèle scolastique. Dans le monastère, le livre n'est pas copié pour être lu, il thésaurise le savoir comme un bien patrimonial de la communauté et il porte des usages avant tout religieux : la ruminario du texte, véritablement incorporé par le fidèle, la médiatation, la prière. Avec les écoles urbaines tout change : le lieu de la production du livre, qui passe du scriptorium à la boutique du stationnaire ; les formes du livre, avec la multiplication des abréviations, des signalements, des gloses et des commentaires, et la méthode même de lecture, qui n'est plus participation au mystère de la Parole, mais déchiffrement réglé et hiérarchisé de la lettre (littera), du sens (sensus) et de la doctrine (sententia) [12]. Les conquêtes de la lecture silencieuse ne peuvent donc être séparées de la mutation majeure qui transforme la fonction même de l'écriture.

Une autre "révolution de la lecture" concerne, elle, le style de lecture.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, à la lecture "intensive" en succéderait une autre, qualifiée "d'extensive" [13]. Le lecteur "intensif" est confronté à un corpus limité et fermé de textes, lus et relus, mémorisés et récités, entendus et sus par coeur, transmis de génération en génération. Les textes religieux, et en premier lieu la bible en pays protestants, sont les nourritures privilégiées de cette lecture fortement empreinte de sacralité et d'autorité. Le lecteur "extensif", celui de la Lesewut, de la rage de lire qui s'empare de l'Allemagne au temps de Goethe, est un tout autre lecteur : il consomme des imprimés nombreux et divers, il les lit avec rapidité et avidité, il exerce à leur endroit une activité critique qui ne soustrait plus aucun domaine au doute méthodique.

Un semblable diagnostic a pu être discuté. Nombreux, en effet, sont les lecteurs "extensifs" au temps de la lecture "intensive" : songeons aux lettrés humanistes qui accumulent les lectures pour composer leurs cahiers de lieux communs [14]. Et l'inverse est plus vrai encore : c'est en effet au moment même de la "révolution de la lecture" que, avec Rousseau, Goethe ou Richardson, se déploie la plus "intensive" des lectures, celle par laquelle le roman s'empare de son lecteur, l'attache et le gouverne comme, auparavant, le texte religieux [15]. Par ailleurs, pour les plus nombreux et les plus humbles des lecteurs - ceux des chapbooks, de la Bibliothèque bleue ou de la literatura de cordel - , la lecture garde durablement les traits d'une pratique rare, difficile, qui suppose la mémorisation et la récitation de textes devenus familiers parce que peu nombreux et qui, en fait, sont reconnus plus que découverts.

Ces nécessaires précautions, qui conduisent à abandonner une opposition trop tranchée entre les deux styles de lecture, n'invalident pas le constat qui situe dans la seconde moitié du XVIIIe siècle une "révolution de la lecture". Les supports en sont bien repérés en Angleterre, en Allemagne et en France : ainsi la croissance de la production du livre, la multiplication et la transformation des journaux, le succès des petits formats, l'abaissement du prix du livre grâce aux contrefaçons, l'essaimage des sociétés de lecture Book-clubs, Lesegesellschaften, chambres de lecture) comme des librairies de prêt (circulating libraries, Leihbibliotheken, cabinets de lecture). Décrite comme un danger pour l'ordre politique, comme un narcotique (c'est le mot de Fichte) ou comme un dérèglement de l'imagination et des sens, cette "fureur de lire" frappe les observateurs contemporains. Elle joue à n'en pas douter un rôle essentiel dans les détachements critiques qui, partout en Europe, et particulièrement en France, éloignent les sujets de leur prince, et les chrétiens de leurs églises.

La révolution du texte électronique sera elle aussi une révolution de la lecture. Lire sur un écran n'est pas lire dans un codex Si elle ouvre des possibilités neuves et immenses, la représentation électronique des textes modifie totalement leur condition : à la matérialité du livre, elle substitue l'immatérialité de textes sans lieu propre ; aux relations de contiguïté établies dans l'objet imprimé, elle oppose la libre composition de fragments indéfiniment manipulables ; à la saisie immédiate de la totalité de l'oeuvre, rendue visible par l'objet qui la contient, elle fait succéder la navigation au très long cours dans des archipels textuels sans rives ni bornes [16]. Ces mutations commandent, inévitablement, impérativement, de nouvelles manières de lire, de nouveaux rapports à l'écrit, de nouvelles techniques intellectuelles. Si les précédentes révolutions de la lecture sont advenues alors que ne changeaient pas les structures fondamentales du livre, il n'en va pas de même dans notre monde contemporain. La révolution entamée est avant tout, une révolution des supports et des formes qui transmettent l'écrit. En cela, elle n'a qu'un seul précédent dans le monde occidental : la substitution du codex au volumen, du livre composé de cahiers assemblés au livre en forme de rouleau, aux premiers siècles de l'ère chrétienne.

A propos de cette révolution première, qui invente le livre qui est encore le nôtre, trois questions doivent être posées [17]. D'abord, celle de sa date. Les données archéologiques disponibles, fournies par les fouilles menées en Egypte, permettent plusieurs conclusions. D'une part, c'est dans les communautés chrétiennes que le codex remplace le plus précocement et le plus massivement le rouleau : dès le IIe siècle, tous les manuscrits de la Bible retrouvés sont des codex écrits sur papyrus, et 90 % des textes bibliques et 70 % des textes liturgiques et hagiographiques des IIe-IVe siècles qui nous sont parvenus sont donnés dans la forme codex. D'autre part, c'est avec un décalage sensible que les textes grecs, littéraires ou scientifiques, adoptent la nouvelle forme du livre : ce n'est que pour la période des IIIe-lVe siècles que le nombre des codex égale celui des rouleaux. Même si la datation des textes bibliques sur papyrus a pu être discutée, et parfois retardée au IIIe siècle, le lien reste fort qui lie la préférence donnée au codex au christianisme.

Une seconde question est celle des raisons de l'adoption de cette nouvelle forme du livre. Les motifs classiquement avancés gardent leur pertinence, même s'ils doivent être quelque peu nuancés. L'utilisation des deux côtés du support réduit sans aucun doute le coût de fabrication du livre, mais elle n'a pas été accompagnée par d'autres possibles économies : diminution du module de l'écriture, rétrécissement des marges, etc. Par ailleurs, le codex permet incontestablement de réunir une grande quantité de texte dans un moindre volume, mais cet avantage n'a guère été exploité immédiatement : aux premiers siècles de leur existence, les codex restent de taille modeste, comportant moins de cent cinquante feuillets (soit trois cents pages). Ce n'est qu'à partir du lVe, voire du Ve siècle que les codex grossissent, absorbant le contenu de plusieurs rouleaux. Enfin, il est indéniable que le codex autorise un plus facile repérage et un plus aisé maniement du texte : il rend possible la pagination, l'établissement d'index et de concordances, la comparaison d'un passage avec un autre, ou encore la traversée du livre en son entier par le lecteur qui le feuillette. De là, l'adaptation de la forme nouvelle du livre aux besoins textuels propres au christianisme : à savoir, la confrontation des Evangiles et la mobilisation, aux fins de la prédication, du culte ou de la prière, de citations de la Parole sacrée. Mais en dehors des milieux chrétiens, la maîtrise et l'utilisation des possibilités offertes par le codex ne s'imposent que très lentement. Son adoption semble le fait de lecteurs qui n'appartiennent pas à l'élite lettrée -- celle-ci demeure durablement fidèle aux modèles grecs, donc au volumen -- et concerne d'abord des textes situés en dehors du canon littéraire : textes scolaires, ouvrages techniques, romans, etc.

Parmi les effets du passage du rouleau au codex, deux méritent une particulière attention. D'une part si le codex impose sa matérialité, il n'efface pas les désignations ou les représentations anciennes du livre. Dans la Cité de Dieu de Saint Augustin, par exemple, si le terme codex nomme le livre en tant qu'objet physique, le mot liber est employé pour marquer les divisions de l'oeuvre, et ce, en gardant la mémoire de l'ancienne forme puisque "le livre", devenu ici unité du discours (la Cité de Dieu en comprend vingt-deux), correspond à la quantité de texte que pouvait contenir un rouleau [18]. De même façon, les représentations du livre sur les monnaies et les monuments, dans la peinture et la sculpture, demeurent durablement attachées au volumen, symbole de savoir et d'autorité, alors même que le codex a déjà imposé sa matérialité nouvelle et obligé à de nouvelles pratiques de lecture. D'autre part, pour être lu, donc déroulé, un rouleau doit être tenu à deux mains : de là, comme le montrent les fresques et les bas-reliefs, l'impossibilité pour le lecteur d'écrire en même temps qu'il lit et, du coup, l'importance de la dictée à voix haute. C'est avec le codex que le lecteur conquiert la liberté : posé sur une table ou un pupitre, le livre en cahiers n'exige plus une totale mobilisation du corps.

Par rapport à lui, le lecteur peut prendre ses distances, lire et écrire en même temps, aller à sa guise d'une page à l'autre, d'un livre à l'autre. C'est avec le codex, également, que s'invente la typologie formelle qui associe des formats et des genres, des types de livres et des catégories de discours, donc que se met en place le système d'identification et de repérage des textes dont l'imprimerie sera l'héritière et qui est encore le nôtre [19].

Pourquoi ces regards en arrière, pourquoi, en particulier, cette attention portée à la naissance du codex ? Sans doute parce que la compréhension et la maîtrise de la révolution électronique de demain (ou d'aujourd'hui), dépend largement de sa correcte inscription dans une histoire de longue durée. Celle-ci permet de prendre pleine mesure des possibilités inédites ouvertes par la numérisation des textes, leur transmission télématique et leur réception sur ordinateur. Dans le monde des textes électroniques ou, plus exactement, de la représentation électronique des textes, deux contraintes, tenues jusqu'ici comme impératives, peuvent être levées. Première contrainte : celle qui limite étroitement les possibles interventions du lecteur dans le livre imprimé. Depuis le XVIe siècle, c'est-à-dire depuis le temps où l'imprimeur a pris à sa charge les signes, les marques et les titres, titres de chapitres ou titres courants, qui, au temps des incunables, étaient ajoutés à la main sur la page imprimée par le correcteur ou le possesseur du livre, le lecteur ne peut insinuer son écriture que dans les espaces Verges du livre. L'objet imprimé lui impose sa forme, sa structure, ses dispositions, et il ne suppose aucunement sa participation. Si le lecteur entend, néanmoins, inscrire sa présence dans l'objet, il ne peut le faire qu'en occupant, subrepticement, clandestinement, les lieux du livre délaissés par l'écriture : intérieurs de la reliure, feuillets laissés en blanc, marges du texte, etc. [20].

Avec le texte électronique, il n'en va plus de même. Non seulement le lecteur peut soumettre le texte à de multiples opérations (il peut l'indexer, l'annoter, le copier, le démembrer, le recomposer, le déplacer, etc.), mais, plus encore, il peut en devenir le co-auteur. La distinction, fortement visible dans le livre imprimé, entre l'écriture et la lecture, entre l'auteur du texte et le lecteur du livre, s'efface au profit d'une réalité autre : celle où le lecteur devient un des acteurs d'une écriture à plusieurs voix ou, à tout le moins, se trouve où en position de constituer un texte nouveau à partir de fragments librement découpés et assemblés. Comme le lecteur du manuscrit qui pouvait réunir dans un seul livre des oeuvres de nature fort diverses, rapprochées dans un même recueil, dans un même libro-zibaldone, par sa seule volonté, le lecteur de l'âge électronique peut construire à sa guise des ensembles textuels originaux dont l'existence et l'organisation ne dépendent que de lui. Mais, de plus, il peut à tout moment intervenir sur les textes, les modifier, les récrire, les faire siens. On comprend, dés lors, qu'une telle possibilité met en question et en péril les catégories qui sont les nôtres pour décrire les oeuvres, rapportées depuis le XVIIIe siècle à un acte créateur individuel, singulier et original, et qui fondent le droit en matière de propriété littéraire. La notion de copyright, entendue comme le droit de propriété d'un auteur sur une oeuvre originale, produite par son génie créateur (la première occurrence du terme est de 1728) [21] s'ajuste fort mal aux modes de constitution des banques de données électroniques. C'est ainsi que la Cour suprême des Etats-Unis lui a dénié toute pertinence pour la publication des annuaires téléphoniques... [22].

D'autre part, le texte électronique autorise, pour la première fois, de surmonter une contradiction qui a hanté les hommes d'occident : celle qui oppose, d'un côté, le rêve d'une bibliothèque universelle, rassemblant tous les livres jamais publiés, tous les textes jamais écrits, voire, avec Borges, tous les livres qu'il est possible d'écrire en épuisant toutes les combinaisons des lettres de l'alphabet, et, de l'autre, la réalité, forcément décevante, de collections qui, aussi grandes soient-elles, ne peuvent fournir qu'une image partielle, lacunaire, mutilée du savoir universel [23].

L'Occident a donné une figure exemplaire et mythique à cette nostalgie de l'exhaustivité perdue : celle de la bibliothèque d'Alexandrie [24]. La communication des textes à distance, qui annule la distinction, jusqu'ici irrémédiable, entre le lieu du texte et le lieu du lecteur, rend possible, accessible, ce rêve ancien. Sans matérialité, sans localisation, le texte en sa représentation électronique peut atteindre n'importe quel lecteur doté du matériel nécessaire pour le recevoir. A supposer que tous les textes existants, manuscrits ou imprimés, soient numérisés ou, dit autrement, qu'ils soient convertis en textes électroniques, c'est l'universelle disponibilité du patrimoine écrit qui devient possible. Tout lecteur, là ou il se trouve, à la seule condition que ce soit devant un poste de lecture connecté au réseau qui assure la distribution des documents informatisés, pourra consulter, lire, étudier n'importe quel texte, quelle qu'ait été sa localisation originelle [25]. "Quand on proclama que la Bibliothèque comprenait tous les livres, la première réaction fut un bonheur extravagant" [26] : ce bonheur "extravagant" dont parle Borges nous est promis par les bibliothèques sans murs, et même sans lieu, qui seront sans doute celles de notre futur.

Bonheur extravagant, mais peut-être pas sans risque. En effet, chaque forme, chaque support, chaque structure de la transmission et de la réception de l'écrit affecte profondément ses possibles usages et interprétations; En ces dernières années, l'histoire du livre s'est attachée à repérer, à diverses échelles, ces effets de sens des formes [27].

Les exemples sont nombreux qui montrent comment des transformations proprement "typographiques" (dans un sens large du terme) modifient profondément les usages, les circulations, les compréhensions d'un "même" texte. Ainsi les variations dans les découpages du texte biblique, en particulier des éditions de Robert Estienne et leurs versets numérotés. Ainsi l'imposition de dispositifs propres au livre imprimé (titre et page de titre, découpage en chapitres, bois gravés) à des oeuvres dont la forme première, liée à une circulation uniquement manuscrite, leur était tout à fait étrangère : c'est là, par exemple, le sort du Lazarillo de tormes, lettre apocryphe, sans titre, sans chapitre, sans illustration, destinée à un public lettré, transformée par ses premiers éditeurs en un livre proche par sa présentation des vies de saints ou des occasionnels, donc des genres de plus large circulation en Espagne du Siècle d'Or [28]. Ainsi, en Angleterre, pour les oeuvres théâtrales, le passage des éditions élizabéthaines, rudimentaires et compactes, aux éditions qui, au début du XVIIIe siècle, adoptant les conventions classiques françaises, rendent visible le découpage en actes et en scènes et restituent, par l'indication des jeux de scène, quelque chose de l'action théâtrale dans le texte imprimé [29].

Ainsi, encore, les formes nouvelles données à tout un ensemble de textes déjà publiés, le plus souvent d'origine savante, afin qu'ils puissent atteindre les lecteurs les plus "populaires" et constituer le répertoire des librairies de colportage en Castille, en Angleterre ou en France. A chaque fois, le constat est identique : la signification, ou plutôt les significations, historiquement et socialement différenciées d'un texte, quel qu'il soit, ne peuvent être séparés des modalités matérielles qui le donnent à lire à ses lecteurs.

De là, pour notre présent, une forte leçon : le possible transfert du patrimoine écrit d'un support à un autre, du codex à l'écran, ouvre des possibilités immenses, mais il sera aussi une violence faite aux textes, séparés des formes qui ont contribué à construire leurs significations historiques. A supposer que, dans un avenir plus ou moins proche, les oeuvres de notre tradition ne soient plus communiquées et déchiffrées que dans une représentation électronique, le risque serait grand de voir perdue l'intelligibilité d'une culture textuelle où un lien ancien, essentiel, a été noué entre le concept même du texte et une forme particulière du [ivre : le codex. Rien ne montre mieux la force de ce lien que les métaphores qui, dans la tradition occidentale, font du livre une figure possible du destin, du cosmos ou du corps humain [30]. Le livre qu'elles manient, de Dante à Shakespeare, de Raymond Lulle à Galilée, n'est pas n'importe quel livre : il est composé de cahiers, formé de feuillets et de pages, protégé par une reliure. La métaphore du livre du monde, du livre de la nature, si puissante à l'âge moderne, se trouve comme arrimée aux représentations immédiates et enracinées qui associent naturellement l'écrit au codex. L'univers des textes électroniques signifiera nécessairement, un éloignement vis-à-vis des représentations mentales et des opérations intellectuelles spécifiquement liées aux formes qu'a eu le livre en Occident depuis dix-sept ou dix-huit siècles. Aucun ordre des discours n'est en effet séparable de l'ordre des livres qui lui est contemporain.

Il me semble donc nécessaire, aujourd'hui, de tenir ensemble deux exigences. D'un côté, il nous faut accompagner par une réflexion historique, juridique, philosophique, la mutation considérable qui est en train de bouleverser les modes de communication et de réception de l'écrit. Une révolution technique ne se décrète pas. Elle ne supprime pas non plus. Le codex l'a emporté et a supplanté le rouleau - même si celui-ci, avec une autre forme et pour d'autres usages (en particulier archivistiques) a traversé tout le Moyen Age/ Et l'imprimerie s'est substituée au manuscrit comme forme massive de reproduction et de diffusion des textes - même si l'écrit copié à la main a conservé tout son rôle à l'âge de l'imprimé pour la circulation de nombreux types de textes, issus de l'écriture du for privé, des pratiques littéraires aristocratiques commandées par la figure du gentleman-writer, ou des besoins de communautés particuliers : désignées comme hérétiques, liées par le secret, des compagnonnages à la Franc-maçonnerie, ou, simplement cimentées par la circulation des textes manuscrits [31]. On peut donc penser qu'au XXVe siècle, en cet an 2440 que Louis-Sébastien Mercier a imaginé dans son utopie publiée en 1771, la Bibliothèque du Roi (ou de France) ne sera pas ce "petit cabinet" qui ne contient que petits in-douze concentrant le seul savoir utile [32], mais un point dans un réseau étendu à la planète toute entière et assurant l'universelle disponibilité d'un patrimoine textuel partout accessible grâce à sa forme électronique. Le moment est donc venu de mieux repérer et mieux comprendre les effets d'une telle mutation et, en considérant que les textes ne sont pas nécessairement des livres, ni même des périodiques ou des journaux, dérivés, eux aussi, du codex, de redéfinir les notions juridiques (propriété littéraire, droits d'auteur, copyright), réglementaires (dépôt légal, bibliothèque nationale) et bibliothéconomiques (catalogage, classement, description bibliographique etc.) qui ont été pensées et construites en relation avec une autre modalité de la production, de la conservation et de la communication de l'écrit. Mais il est pour nous une seconde exigence, indissociable de la précédente. La bibliothèque du futur doit être aussi le lieu où pourra être maintenue la connaissance et la compréhension de la culture écrite dans les formes qui ont été, et sont encore majoritairement les siennes aujourd'hui. La représentation électronique de tous les textes dont l'existence ne commence pas avec l'informatique ne doit aucunement signifier la relégation, l'oubli ou, pire, la destruction des objets qui les ont portés. Plus que jamais, peut-être, une des tâches essentielles des grandes bibliothèques est de collecter, protéger, recenser (par exemple sous la forme de catalogues collectifs nationaux, premiers pas vers des bibliographies nationales rétrospectives) et, aussi, rendre accessible l'ordre des livres qui est encore le nôtre et qui fut cela des hommes et des femmes qui lisent depuis les premiers siècles de l'ère chrétienne. C'est seulement si est préservée l'intelligence de la culture du codex que pourra être sans nuances le "bonheur extravagant" promis par l'écran.


          

Notes

[1]
H.J. Martin, "Le message écrit : la réception", conférence donnée à l'académie des sciences Morales et Politiques, Paris, 15 mars 1993.

[2]
L. Febvre et H.J. Martin, L'Apparition du livre, Paris, Albin Michel, 1958.

[3]
-- E. Eisenstein, The Printing Revolution in Early Modern Europe, Cambridge : Cambridge University Press, 1983 ; -- version abrégée de The Printing Press as an Agent of Change : Communication an Cultural Transformation in Early Modern Europe, Cambridge University Press, 1979.

[4]
-- P. Saenger et M. Heinlei, "Incunable Description and lts Implication for the Analysis of Fiftennth-Century Reading Habits", dans Printing the Written World, The Social History of Books, circa 1450-1520, S. Hindman ed., lthaca et Londres, Cornell University Pres, 1991, pp.225-258 ;
-- et M.M. Smith, "Ptterns of Incomplete Rubrication in Incunables an What They Suggest About Working Methods", dans Medieval Book Production, Assessing the Evidence, L.L. Brownrigg ed., Los Altos Hills, Andersen-Lovelace, The Red Gull Press, 1990, pp.133-145.

[5]
Le livre et l'imprimerie en Extrôme-Orient et en Asie du sud-est, J.P. Drège, M. lshigalu-Iagolnitzer et M. Cohen ed., Bordeaux, Société des bibliophiles de guyenne, 1986 ;
-- E.S. Rawski, "Economic and Social Foundations of Late lmperial China", dans Popular Culture in Late Imperial China, D. Johnson, A. Nathan et E.S. Rawski ed., Berkeley, University of California Press, 1985, pp. 3-33 ; -- Impressions de Chine, M. Cohen et N. Monnet ed., Paris, Bibliothèque Nationale, 1992.

[6]
A. Petrucci, "Alle origine del libre moderne. Libri da banco, libro da bisaccia, libretti da mano", dans Libri, scrittura e pubblico nel Rinascimento. Guida storica e critica, A. Petrucci ed., Rome-Bari, Laterza, 1979, pp. 137-156.

[7]
-- P. Saenger, "Silent Reading : lts Impact on Late Medieval Script an Society", Viator. Medieval and Renaissance Studies, 13, 1982, pp. 367-414 ;
-- "Physiologie de la lecture et séparation des mots", Annales E.S. C., 1989, pp. 939-952 ;
-- et "The separation of Words and the Order of Words : the Genesis of Medieval Reading", Scrittura e Civiltá, XIV, 1990, pp. 49-74.

[8]
B, Knox, 3 silent Reading in antiquity", Greek, Roman, and Byzantine Studies, IX, 1968, pp 421-435.

[9]
J. Svenbro, Phrasikleia. Anthropologie de la lecture en Grèce ancienne, Paris, Editions de la Découverte, 1988.

[10]
W.W. Harris, Ancient Literacy, Cambridge, Mass., et Londres, Harvard University Press, 1989.

[11]
M. Frenk, "Lectores y oídores. La difusión oral de la literatura en el Siglo de Oro", Actas del Septimo Congreso de la Asociación Intemational de Hispanistzs, G. Bellini ed., Rome, Bulzoni, 1982, Vol. l, pp. 101-123.

[12]
F. Alessio, "Conservazione e modelli di sapere nell Medioevo", dans La memoria del sapere. Forme di conservazione e strutture orgnizzative dall'Antichitá a oggi, P. Rossi ed., Rome-Bari, Laterza, 1988, pp. 99-133.

[13]
-- R. Engelsing, "Die perioden der Lesergeschichte in der Neuzit. Das Statistiche Ausmass und die soziokulturelle Bedeutung der Lektüre", Archiv für Geschichte des buchwesens, 10, 1970, pp. 945-1002. -- Cf. aussi les révisions critiques de E. Schön, Der Verlust der Sinnlichkeit oder Die Verwandlungen des Lesers. Mentalitätswandel um 1800, Stuggart, Klett-Cotta, 1987 ;
-- M. Nagl, "Wandlungen des Lesens in der Aufklàrung. Pladoyer fur einige Differenzierungen", dans Bibliotheken itnd Aufklärung, W. Arnold et P. Vodosek ed., Wolfenbutteler Schriften zur Geschichte des Buchwesens, Band 14, Wiesbaden, In Kommission bei Otto Harrassowitz, 1988, pp. 21-40, -- et R Wittmann, Geschichte des deutschen Buchhandels, Munich, C.H. Beck, 1991.

[14]
A. Blair, "Humanist Methods in Natural Philosophy : the Commonplace Book", Journal of History of Ideas, Vol. 53, nº 4, Oct-Déc. 1992, pp. 541-551.

[15]
R. Darnton, "Readers Respond to Rousseau : The Fabrication of romantic Sensitivity", dans The Great Cat Massacre and Other Episodes in French Cultural History, New-York, Basic Books, 1984, pp. 215-256.

[16]
G. Nunberg, "The Places of Books in the Age of Electronic reproduction", Representations, 42, "Future Libraries", H. Bloch et C. Hesse ed., Spring 1993.

[17]
-- Cf. les mises au point récentes dans Les débuts du codex, A. Blanchard ed., Turnhout, Brepols, 1989 ;
-- et les deux articles de G. Cavallo : "Testo, libro, lettura, dans Lo Spazio letterario di Roma antica, G. Cavallo, P. Fedeli et A. Giardina ed., Rome, Salerno editrice, Vol. Il, "La cicolazione del testo", 1989, pp. 307-341 ;
-- et "Libro e cultura scritta", dans Storia di Roma, Turin, Einaudi, vol. IV, "Caratteri e morfologie", 1989, pp. 693-734.

[18]
L Holtz, "Les mots latins désignant le livre au temps d'Augustin", dans Les débuts du codex, op. cit., pp, 105-113.

[19]
A. Petrucci, "Il libro manoscritto", dans Letteratura italiana, Turin, Einaudi, 2, "Produzione e consumo", 1983, pp. 499-524.

[20]
-- Marks in Books, Cambridge, Mass., The Houghton Library, 1985.
Deux exemples d'analyses des mentions manuscrites dans le livre imprimé -- dans L. Jardine et A. Grafton, "studied for action" : How Gabriel Harvey Road His Livy", Past and Present, 129, November 1990, pp. 30-78, -- et Cathy Davidson, Revolution and the world. The Rise of the Novel in America, New-York et Oxford, Oxford University Press, 1986, pp. 75-79. -- Un exemple pour un lecteur au temps du livre manuscrit dans R. Meyenberg et G. Ouy, "Alain Chartier, lecteur d'Ovide", Scrittura e Civilitá, XIV, 1990, pp. 75-103.

[21]
D.W. Nichol, "On the Use of Copy and Copyright : a Scriblerian Coinage ?", The Library, The Transactions of the Bibliographical Society, June 1990, pp. 110-120.

[22]
-- P. Jaszi, "On the Author Effect : Contemporary Copyright and Collective Creativity", Cardozo Arts and Entertainment Law Journal, Vol. 10, nº 2, 1992, "Intellectual Property and the construction of Authorship", pp. 293-320 ;
-- A. Prassoloff, "Le droit d'auteur à l'âge de l'écrit concurrencé", Textuel, nº 25, "Ecrire, voir conter", 1993, pp. l19-129 ;
-- et J. Ginsberg, "Copyright Without Walls ? Speculations on Literary Property in the Library of the future", Representations, 42, "Future Libraries", Spring 1993.

[23]
-- R. Chartier, "Bibliothèques sans murs", dans L'ordre des livres, lecteurs, auteurs, bibliothèques en Europe entre XIVe et XVIIIe siècles, Aix-en-Provence, Alinéa, 1992, pp. 69-94, -- et J.M. Goulemot, "En guise de conclusion : les bibliothèques imaginaires (fictions romanesques et utopies)", dans Histoire des bibliothèques françaises, Paris, Promodis-Editions du Cercle de la Librairie, tome II, "Les bibliothèques sous l'Ancien Régime", C. Jolly ed., 1989, pp. 500-511.

[24]
-- L. Canfora, La biblioteca scomparsa, Palerme, Sellerio editore, 1986 ;
-- et Alexandrie IIIe siècle av. J.C. Tous les savoirs du monde ou le rêve d'universalité des Ptolémées, C. Jacob et F. de Polignac ed., Paris, Editions Autrement, 1992.

[25]
J.D. Bolter, Writing space : The computer, Hypertext, and the History of Writing, Hillsdale, 1991.

[26]
J.L. Borges, La biblioteca de Babel, 1941.

[27]
D.F. McKenzie, Bibliography and the sociology of tests, The Panizzi Lectures 1985, Londres, The British Library, 1986.

[28]
F. Rico, "La princeps del Lazarillo. Titulo, capitulación y epígrafes de un texto apócrifo, dans Problemas del Lazarillo, Madrid, Cátedra, 1988, pp. 113-151.

[29]
D.F. McKenzie,"Typography and Meaning : the case of William Congreve", dans Buch und Buchhandel in Europa im achtzehnten Jahrhundert, G. Barber et B. Fabian ed., Hambourg, Dr. Ernst Hauswedell und Co, 1981, pp. 81-126.

[30]
-- E.R. Curtius, Europaïsche Literatur und Lateinisches Mittelalter, Berne, A. Francke AG Verlag, 1948, chap. 16 ;
-- H. Blumenberg, Die Lesbarkeit der Welt, Francfort-sur-le-Main, Shrkamp, 1981.

[31]
-- Harold Love, "Scribal Publication in seventeenth-century england", Transactions of the Cambridge Bibliographical Society, Vol. lX, Part 2, 1987, pp. 130-154 ;
-- François Moureau, "La plume et le plomb : la communication manuscrite au XVIIIe siècle", dans Correspondances littéraires inédites - Etudes et extraits - Suivies de Voltairiana, J. Schlobach ed., Paris-Genève, Charnpion-Slatkine, 1987, pp. 21-30.

[32]
L.S. Mercier, L'An 2440. Rêve s'il en fut jamais, édition par R. Trousson, Bordeaux, Editions Ducros, 1971, "La bibliothèque du roi", pp. 247-271.


© "Pour une nouvelle économie du savoir". In Solaris, nº 1, Presses Universitaires de Rennes, 1994