Penser l'entrelacement de l'Humain et du Technique : les réseaux hybrides d'intelligence

William A. TURNER

CERESI-CNRS.


Ce texte dont une partie a été publiée dans le Nº 29 des Cahiers du LERASS, est ici repris dans son intégralité. On mesure ainsi plus aisément l'ampleur du projet de recherche qu'il promeut, l'ambition du projet anthropologique, politique qui sous-tend ce dernier.

Il essaie de prendre en compte la circulation de plus en plus rapide des documents sur support électronique. Cette circulation correspond à des flux d'information qui sont susceptibles de constamment remettre en cause nos systèmes établis de représentation. En effet, les flux mettent en doute notre capacité de simplifier correctement la complexité du réel.

C'est un problème difficile pour l'efficacité de nos actions scientifiques, économiques et sociales. Il pose la question de la pertinence d'une pensée stratégique.

Le CERESI (Centre de Recherche des Sciences lnfométriques), dont les activités de recherche s'inscrivent dans les débats stratégiques attachés à la maîtrise du développement de l'Infrastructure Informationnelle, ainsi que des dispositifs de recherche, de gestion du patrimoine immatériel dans les domaines scientifique, économique, culturel, est engagé actuellement dans un vaste programme européen, le programme "GEODE".

GEODE (Gestion Optimisée des Décisions en Entreprises) qui est un système de gestion des flux d'information numérisée s'appuie sur un ensemble de travaux visant à une compréhension claire (autant que faire se peut) du rôle de l'Information dans le cadre des systèmes de décision distribuée comme élément majeur de la compétition industrielle. Dans ce contexte, a été développé un modèle destiné à améliorer les procédures d'interprétation et d'aide à la décision. Ce modèle qui a pour nom "GLOBAL MEDIATOR" s'appuie sur une approche émergente des pratiques et savoirs décisionnels.

Jean-Max Noyer





          

Introduction

Notre intérêt pour les flux nous conduit à poser comme hypothèse de travail l'existence d'un monde ouvert par opposition aux mondes clos de l'intelligence artificielle. Cette hypothèse du monde ouvert est également employée lors de l'étude du comportement informationnel des êtres vivants. F.- J. Varela a formulé la notion d'autopoièse afin d'exprimer la nouvelle orientation des recherches en cours [1]. Celles-ci portent sur les conditions du maintien de l'autonomie d'une entité vivante dans un monde ouvert où l'existence d'une frontière entre l'interne et l'externe ne peut pas être considérée comme allant de soi a priori. Au contraire, tout le problème réside au niveau de la compréhension des mécanismes conduisant à l'établissement de cette frontière.

La circulation des documents scientifiques et techniques sur support électronique nous ouvre une fenêtre sur le monde ouvert de la science. Ce monde est un monde social : l'acte d'écrire revient à prendre position dans un champ scientifique qui se caractérise par des conflits, des structures de domination, des écoles de pensée [2]. Il n'est pas évident qu'on puisse transposer pour le domaine social les outils d'analyse théoriques et méthodologiques développés pour l'étude du vivant. Varela a lui-même insisté sur la nécessité d'être prudent. Le monde social est un monde du discours alors qu'un système biologique est une unité concrète qui existe dans l'espace. Les mécanismes d'institutionnalisation d'un discours qui le rendent autonome vis-à-vis de ces référents et le constituent en tant que l'expression d'un fait socialement reconnu ne sont probablement pas les mêmes que ceux qui expliquent la production de l'identité d'un être vivant.


Du monde ouvert des flux aux mondes clos de l'action

II convient tout d'abord de passer en revue un certain nombre d'outils conceptuels et méthodologiques susceptibles de nous aider à bien cerner le problème. Ensuite, nous présenterons un programme d'ingénierie de l'information conçu pour permettre l'étude des dimensions sociales et organisationnelles de l'intelligence. Ceci nous permettra, enfin, de considérer :les relations qui existent entre la gestion collective des flux informationnels d'une part, l'efficacité d'actions organisationnelles d'autre part.


          

La sociologie des sciences

Cette discipline a connu un changement d'orientation ces dernières années. A la notion d'un espace cognitif et social découpé en spécialités s'est progressivement substituée celle d'un espace ouvert et infini où se déploient les stratégies individuelles d'occupation du terrain scientifique.

Infini parce que la réalité des choses est maintenant considérée comme infiniment complexe, de telle sorte qu'aucune limite ne saurait être fixée à sa division en éléments récurrents aux fins de la pensée et de l'action.

Tout est ouvert : les voies de la science sont multiples ; aucun travail n'est définitif [3].

Une recherche peut être le point de départ d'une reformulation des connaissances tenues pour acquises, à condition de trouver les moyens nécessaires pour mener à bien la contestation [4].

Ce genre de considération se trouve en contradiction apparente avec la notion d'une accumulation de connaissances scientifiques. L'argument du sens commun est de dire que si les scientifiques n'ont pas un point de vue commun sur les problèmes et les méthodes de leur discipline, les connaissances ne sauraient être cumulatives. Chaque effort serait isolé et individuel au lieu de consolider l'entreprise collective. C'est notre point de départ : comment les scientifiques arrivent-ils à travailler ensemble à la construction des connaissances scientifiques et techniques ?


          

L'Intelligence Artificielle

Dans leur livre classique sur les organisations publié en 1958, H.A. Simon et J.G. March ont critiqué le concept de rationalité tel qu'il a été employé dans la théorie traditionnelle des organisations [5]. Cet emploi conduit à proposer des solutions uniques aux questions que soulève la coordination des actions collectives. Selon ces deux auteurs, il n'y a pas de solution optimale, pas de "one best way" proclamé dans des travaux de F. W. Taylor par exemple. Il n'y a que des solutions plus ou moins satisfaisantes dans des situations complexes où ni les problèmes, ni les conséquences, ni les motivations ne peuvent être déterminés avec certitude.

Leur conclusion est la suivante : la notion de rationalité doit être employée avec précaution dans le domaine de la décision organisationnelle. L'évidence montre que son champ d'application est très limité. Dans ces conditions, il serait sage de ne pas adopter une définition normative a priori des comportements rationnels. L'attention doit porter plutôt sur l'étude des processus cognitifs mis en oeuvre.

En 1969, H. Simon établit le lien entre ses recherches cognitives et la résolution des problèmes concrets. Il publie alors son livre séminal Sciences des Systèmes : Sciences de l'Artificiel [6]. Il montre les processus de raisonnement qui conduisent à simplifier un problème pour pouvoir le résoudre. Cette simplification du réel passe par l'adoption d'un système de représentation. Celui-ci permet d'établir une frontière entre ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas pour mener à bien la tâche envisagée. Le traitement des flux informationnels est subordonné à l'existence de ces systèmes de représentation. Le schéma qui exprime cette subordination est le suivant :

information-->système de représentation--> action

Nous défendons plutôt l'idée selon laquelle l'information est l'action. Elle déclenche directement des nouvelles stratégies de positionnement et, de ce fait, modifie constamment la représentation que nous avons de notre propre champ d'action. Les relations que nous nous proposons d'étudier sont les suivantes :

information -->actions/positionnements--> représentations
(1) (2)

Après avoir précisé le contexte organisationnel dans lequel nous nous situons, un programme d'ingénierie sera présenté qui vise à modéliser les comportements étudiés en relation avec les flèches 1 et 2 indiquées sur le diagramme ci-dessus.


          

La pensée stratégique

L'intelligence artificielle modélise une pensée opérationnelle, celle des acteurs confrontés au besoin de résoudre des problèmes, d'atteindre des objectifs, de reoplir des fonctions spécifiques. Quant à nous, nous nous proposons de modéliser la pensée stratégique, celle qui vise à maintenir ou à accroître l'autonomie d'une action collective. L'intérêt de cette recherche s'explique par une évolution de la nature de la compétition internationale.

De plus en plus, des facteurs dits "hors prix" déterminent les parts de marchés. Parmi ces facteurs, citons entre autres le degré de flexibilité des chaînes de production, la réduction de délais de fabrication, la qualité des produits et, peut-être surtout, la capacité du monde extérieur [7]. L'organisation n'est plus une donnée immuable : au renouvellement continu des gammes de produits correspond un renouvellement incessant de l'organisation de l'entreprise en général. L'étroite dépendance qui existe entre des structures organisationnelles et la gestion efficace des flux d'information n'a plus besoin d'être soulignée [8]. C'est ce qui constitue à l'heure actuelle un des problèmes-clés de la pensée stratégique.

"A quoi bon se fixer, de façon volontariste des objectifs stratégiques et engager les moyens correspondants si, de plus en plus souvent, les objectifs doivent être modifiés en raison des turbulences de l'environnement et des marchés" [9] ? Cette question souligne le fait que la pensée stratégique est mal-assurée à l'heure actuelle. T. Peters et R. Waterman parlent même d'effets pervers, entre l'adoption d'un plan d'action et sa mise en oeuvre, il y a un nombre incalculable de micro-décisions qui sont prises par des personnes à des niveaux de responsabilité divers. Ces décisions visent à inscrire les objectifs recherchés dans la réalité des divers contextes du travail. L'existence du plan ne saurait justifier que l'on ignore les informations qui résultent de la mise à l'épreuve de son intérêt pratique. Et pourtant, selon ces deux auteurs, c'est souvent ce qui se passe. Confiants dans la qualité de leurs analyses initiales, des dirigeants peuvent considérer que leur rôle est de "tenir le cap" face à la contestation. Si les centres de décision stratégiques sont trop éloignés des unités traditionnelles, cette attitude peut conduire à des catastrophes [10].

Ces débats sur l'intérêt d'une définition formelle des enjeux stratégiques de l'action collective ne sont pas nouveaux. Ils sont néanmoins en train de changer de contenu en vertu des nouvelles technologies de traitement de l'information. Les investissements dans ces dernières sont en train de créer une situation organisationnelle que nous proposons de caractériser sous le nom de réseaux hybrides d'intelligence (les RHI). En effet, il nous semble d'ores et déjà possible de considérer l'entreprise comme un ensemble d'hommes et de machines travaillant en coopération sur un réseau informatique. Les RHI permettent d'envisager la gestion décentralisée des activités opérationnelles avec une centralisation rapide des informations nécessaires aux décisions stratégiques.

Cependant, il faut éviter de placer un trop grand espoir dans des solutions purement technologiques. L'impact des investissements consentis sur l'amélioration de la productivité du travail est loin d'être clair. Le problème posé est celui du pouvoir. La coopération au sein des RHI suppose une gestion décentralisée des flux d'information, c'est-à-dire une multiplication des décisions individuelles visant à diriger ces flux vers des centres de traitement appropriés du réseau. M. Crozier et E. Friedberg nous rappellent à quel point les décisions de ce type sont l'expression d'un rapport de forces [11]. Dans ces conditions, il n'est pas difficile de comprendre l'origine de la déception de certains : "nous n'avons pas tiré profit des nouvelles technologies. Elles ont été purement et simplement calquées sur des structures organisationnelles existantes." [12] La prudence est de rigueur.

Sans une meilleure connaissance des mécanismes sociaux de construction d'une pensée stratégique, l'adoption de nouvelles formes d'organisation du travail comporte des risques qui sont difficiles à évaluer.

L'élaboration d'une stratégie collective est souvent traitée comme un problème technique. Différentes démarches sont présentées qui sont susceptibles de contribuer à la création des conditions d'une convergence entre des comportements qui ont leurs propres logiques. Notre approche est théorique. Résoudre le problème posé suppose une bonne connaissance des dimensions sociales et organisationnelles de l'intelligence. Afin d'acquérir cette connaissance, nous avons entrepris un programme d'ingénierie dont l'objectif est de créer un automate capable de prendre place dans un réseau hybride d'intelligence.


L'étude des dimensions sociales organisationnelles de l'intelligence

Le point de départ pour notre programme d'ingénierie est de considérer une stratégie comme l'expression d'une clôture. Elle suppose l'adoption d'une série de postulats qui peuvent être tenus pour assurés. Un automate devrait être capable de contribuer à baliser la frontière entre ce qui est stratégique et ce qui ne l'est pas, du point de vue de l'action collective de l'entreprise. On peut identifier trois étapes dans la détermination sociale de ces balises.

Tout d'abord, il y a la réalité des flux qui relient l'entreprise à son environnement. Ces relations sont établies par la mise en circulation de ce que M. Callon appelle des intermédiaires [13]. Un intermédiaire est un bien matériel ou immatériel dont la caractéristique principale est d'avoir une certaine immuabilité lui permettant de traverser l'espace et le temps. Des exemples d'intermédiaires permettant à une entreprise d'établir des échanges avec son environnement sont :

Il y a ensuite ce que les acteurs disent sur la signification de ces échanges. Ces discours ne reproduisent pas fidèlement la réalité des échanges observés. Ils la simplifient en modélisant la complexité des flux afin de faire naître des micro-mondes organisés. M. Foucault nous donne un exemple d'un phénomène de ce type dans son étude sur la folie [14]. La folie n'est pas envisagée d'un même point de vue si on est médecin, policier ou juge. La configuration de l'espace discursif relatif à la folie s'explique par les liens qu'entretiennent les unes avec les autres ces différentes propositions particulières.

Il y a enfin l'impact des nouvelles propositions sur l'organisation de l'espace socio-cognitif existant. Ces dernières contribuent à une restructuration de cet espace. Ce mouvement correspond à un changement de contenus, à une modification de perceptions, à la possibilité, en somme, de voir émerger des nouveaux discours. Dans une situation où tout est susceptible de changer, les marchés aussi bien que les savoirs et les techniques, on peut s'attendre à la multiplication d'analyses contradictoires. La prise de position des uns devient alors une source d'information pour l'action des autres. Elle sert de point de repère en vue d'établir des ressemblances et de mesurer les différences.

Deleuze le dit ainsi : sans l'autre, notre champ perceptif ne fonctionnerait pas comme il le fait [15]. Nous disons la même chose autrement : "Autrui" organise le passage du monde ouvert des flux aux mondes clos de l'action. Il est à l'origine de notre perception des enjeux stratégiques ; il permet d'évaluer les forces et les faiblesses de notre propre position dans un espace socio-cognitif donné. Cet espace est un espace conflictuel, comme nous l'avons dit ci-dessus. Des groupes s'y opposent sur la façon de répartir des moyens de production disponibles (monnaie, compétences, dispositifs techniques, savoirs). Se positionner de façon à capter ces flux est un enjeu clé de la vie sociale. Il constitue une condition préalable à une certaine autonomie d'action. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas besoin de supposer l'existence d'une structure intermédiaire de représentation pour comprendre les prises de position d'autrui. Nous comprenons leur sens sans que celui-ci ait besoin d'être explicité. Elles mettent en cause notre propre autonomie d'action sur le plan social.

Quelles conclusions peut-on tirer de cette discussion ? Si nous voulions construire un automate capable de participer efficacement à la construction sociale d'une pensée stratégique, il semblerait nécessaire de le doter :

Ces orientations expliquent le contenu de notre programme d'ingénierie visant l'étude des dimensions sociales et organisationnelles de l'intelligence. Les différentes étapes de ce programme sont précisées sur la figure 1. Les nouvelles directions présentées ici prennent plus particulièrement appui sur les résultats obtenus dans le cadre de thèses en sciences de l'information présentées à l'Université de Paris VII depuis 1985. Grâce à ces thèses, nous disposons déjà de nombreux résultats permettant d'envisager sérieusement l'étude des dimensions sociales et organisationnelles de l'intelligence. Ces résultats seront regroupés selon les deux objectifs fixés à notre programme ci-dessus : quelles relations existent entre des flux d'information et l'évolution de nos perceptions des enjeux stratégiques d'une part, et entre des stratégies individuelles de positionnement et des structures d'une action collective, d'autre part ?


          

L'information est l'action

  1. Le traitement du langage naturel
  2. Une cartographie de la science en action
  3. La mise à jour des cartes scientifiques et techniques
  4. Positionnement et représentation de l'action collective
L'étude de l'action des flux d'information sur nos perceptions des enjeux stratégiques passe par trois étapes : le traitement du langage naturel ; une cartographie de la science de l'action ; une mise à jour périodique de ces cartes scientifiques et techniques.


Le traitement du langage naturel

Le traitement du langage naturel est entrepris dans le cadre de notre programme afin de doter une machine de routage d'une autonomie d'action dans un réseau hybride d'intelligence. Nous considérons une machine comme une fenêtre ouverte sur les flux documentaires circulant sur support électronique. La spécificité du regard qu'elle porte sur la réalité de ces flux dépendra du contexte de travail dans lequel elle est utilisée.

L'architecture d'un RHI est celle d'un réseau décentralisé. Nous supposons que chaque machine a une tâche précise : celle de gérer les flux de documents qui concernent spécifiquement l'activité menée dans le contexte du réseau où elle se trouve. Cette gestion pose un problème de routage, un problème qui est une des dimensions importantes de l'intelligence sociale. Comment donner à une machine la capacité de décider de l'envoi des informations qui ne la concernent pas vers d'autres centres de traitement dans le réseau ?

Répondre à cette question suppose de pouvoir délimiter le micro-monde de la machine. Cette délimitation peut être déterminée de l'extérieur. Par exemple, un utilisateur peut lui donner une définition du problème à résoudre et préciser les règles qui doivent être respectées en vue d'y parvenir. Notre approche est différente. Nous considérons que l'autonomie de la machine n'est pas programmée depuis l'extérieur mais qu'elle est liée à sa capacité d'établir des associations fondées sur des calculs de ressemblances. Cette fonction d'apprentissage tient compte de la structure interne des informations à traiter [16]. D'où la question qui nous intéresse : comment décrire la spécificité des informations documentaires ?

Nous avons adopté une description sous la forme d'un tableau objets caractères, où les objets sont les documents et les caractères les termes d'indexation. A l'image des données généralement traitées par les méthodes statistiques, il est possible de distinguer deux espaces dans les données documentaires : l'espace des mots et l'espace des documents. L'espace documentaire est un espace vectoriel dont la dimension est définie par le nombre de mots référencés dans le dictionnaire d'indexation. Quant à l'espace vectoriel des mots, sa dimension est définie par la relation inverse : le nombre d'unités documentaires constituant le corpus. L'intérêt de cette représentation tabulaire est qu'elle nous donne la possibilité de calculer l'ensemble des coefficients d'association entre deux objets "i" et "j" contenus dans la mémoire d'une machine. En effet, les statistiques nécessaires pour les calculs de ce type sont le nombre de documents stockés en mémoire (N), l'occurrence (Ci) de chaque mot ou objet (i), et la concurrence (Cij) de chaque paire d'objets. Ces informations sont contenues dans le tableau [17].

Figure 1 -- Etapes du programme d'ingénierie de l'information permettant l'étude des dimensions sociales et organisationnelles de l'intelligence.


Nos programmes de traitement du langage naturel servent à générer automatiquement ce tableau à partir des textes écrits [18]. Nous pouvons alors traiter statistiquement les deux questions qui nous intéressent ici : la détermination du degré d'autonomie de fonctionnement des machines dans le réseau de l'organisation de la circulation des informations entre elles. Il s'agit en fait de deux aspects complémentaires du même problème : l'établissement des conditions d'une coopération efficace à l'intérieur d'un RHI. Voici les quatre axes de travail qui orientent nos recherches de travail à l'heure actuelle.

  1. Tous les mots contenus dans un dictionnaire d'indexation n'ont pas la même valeur informationnelle. Cette notion dépend de leur profil de distribution. Par exemple, des mots qui ont une forte fréquence d'apparition mais qui sont distribués sur l'ensemble du corpus documentaire ont une valeur informationnelle faible, ils ne contribuent pas à mettre en évidence les traits caractéristiques de l'espace documentaire géré par une machine. Nous avons testé trois approches statistiques fondées sur les notions de pertinence, de variance et d'entropie afin de venir à bout de ce problème [19]. D'autres recherches sont en cours qui visent à combiner des techniques statistiques et linguistiques.

  2. L'autonomie d'une machine dépend de la spécificité de son action sur la gestion des flux d'information entrant en RHI. Les mesures de la valeur informationnelle présentées ci-dessus ont pour objectif de déterminer cette spécificité. Celle-ci correspond à la liste des mots retenus après les calculs. Cette liste permet d'"ouvrir une fenêtre" sur le monde extérieur : elle précise la nature du regard qu'une machine est capable de porter sur la réalité des flux d'information circulant sur support électronique. Un "sondage de flux" a lieu dès lors que son regard rencontre un sujet d'intérêt. Ce sondage revient à incorporer les documents comportant les mots en question dans l'espace documentaire géré par la machine. Cela dit, le problème posé ici est celui de la perception du besoin d'agir. Notre démarche est inspirée de recherches visant le développement des modules du type "questions-réponses" dans le domaine documentaire [20].

  3. Le télédéchargement constamment renouvelé de documents vers les micro-mondes machiniques d'un RHl suppose la mise à jour périodique du contenu de ces mémoires locales. Les tableaux documents-mots d'indexation des différentes machines sont appelés à évoluer. De ce fait, la machine "apprendra" à varier son regard dans le temps afin que son action sur la gestion des flux documentaires "colle" le mieux possible à la réalité des contenus. Cette exigence doit être respectée afin d'éviter la construction de "métalangages" documentaires. Ceux-ci sont typiquement représentés par des dictionnaires d'indexation qui projettent une image datée de la science en action. Un tel danger existe lorsque les techniques servant à la construction de ces dictionnaires sont décalées par rapport à la production quotidienne des sciences et des techniques. Une condition nécessaire à l'établissement d'une pensée stratégique efficace est d'être en mesure de suivre cette production "au fil de l'eau".

  4. L'espace documentaire géré par une machine est donc balisé de façon dynamique afin de tenir compte de la réalité des flux d'information engendrés par la production scientifique et technique. Il reste encore à traiter le problème du routage dans un RHI décentralisé. Il faut en effet supposé que les documents télédéchargés par une machine puisse contenir des éléments d'information devant être signalés à d'autres acteurs dans le réseau. Le problème posé ici est celui de la circulation des informations à l'intérieur d'un RHI. Nous avons développé une approche statistique à ce problème fondée sur l'analyse des ressemblances vectorielles. Les documents nouveaux rentrant dans un RHI à "t" en vertu des politiques locales de télédéchargement sont caractérisés, comme nous l'avons vu ci-dessus, par des vecteurs de mots associés. Nous pouvons calculer les liens d'association qui existent entre cet ensemble de vecteurs et celui qui correspond aux différentes listes de sujets définissant les micro-mondes machiniques du réseau. Il peut être montré mathématiquement que si les flux documentaires en provenant des sources extérieures n'ont pas ou très peu d'impact sur les contenus des dictionnaires des machines du RHI, la valeur du cosinus de l'angle que forment ces vecteurs sera élevée [21].

    Cette observation est utile pour la création d'une structure d'aiguillage automatique des flux d'information à l'intérieur d'un RHI. Nous hésitons encore pour savoir si nous devons nous orienter vers la création d'une structure du type "tableau noir" ou essayer de nous en passer. Quoi qu'il en soit, ce problème ne se pose pas uniquement en termes techniques. Nos calculs doivent êtres pondérés afin de tenir compte de ce que nous avons déjà indiqué ci-dessus. La circulation efficace des informations devrait permettre d'améliorer la productivité des acteurs travaillant ensemble au sein d'un RHI. Cependant, étant donné que des relations de pouvoir se nouent également lors des échanges, la question que nous ne savons pas encore traiter à l'heure actuelle est celle de la nature de la pondération à envisager. Une nouvelle thèse vient d'être lancée sur ce sujet.


Une cartographie de la science en action

L'hypothèse formulée ci-dessus révèle que nos représentations des enjeux stratégiques sont fondées sur des mécanismes d'auto-structuration d'un espace cognitif et social. Ces mécanismes s'expliquent, selon nous, par des politiques individuelles de positionnement, comme nous l'avons vu. Les statistiques permettant d'étudier ce phénomène sont du type stochastique. Il s'agit d'observer dans le temps le processus d'alignement des positions des uns sur celles des autres. Les programmes LEXIMAPPE, développés conjointement par le CNRS et le Centre de Sociologie de l'Innovation de l'Ecole des Mines de Paris, exploitent ce type de statistique. Ces programmes permettent de générer automatiquement des cartes des sciences et des techniques. De nombreuses études ont été publiées utilisant ces méthodes non seulement en France [22], mais également en Angleterre [23] et au Pays-Bas [24]. Il suffit de rappeler ici les principaux résultats qu'une machine peut générer automatiquement à partir de l'exploitation de son tableau de données "documents/mots d'indexation". Notre objectif est de montrer comment les machines fonctionnant dans un RHI peuvent tirer profit de leur gestion des flux documentaires afin de contribuer à l'élaboration collective d'une pensée stratégique.

Figure 2 -- Le diagramme stratégique. Les quatre quadrants constituent des catégories d'interprétation permettant d'évaluer l'intérêt stratégique des thèmes.


Les traitements LEXIMAPPE identifient automatiquement des mots d'indexation qui sont plus fortement associés entre eux qu'ils ne le sont avec les autres mots du dictionnaire. Cette technique d'agrégation définit des sous-ensembles documentaires à l'intérieur de l'espace global du corpus. L'émergence de ces sous-ensembles s'explique par l'existence des comportements sociaux institutionnalisés : les mêmes mots sont utilisés par des auteurs différents pour inscrire leurs activités de recherche respectives dans le prolongement d'un travail collectif. Cette pratique sociale d'inscription revient à signaler un intérêt commun pour les mêmes objets d'étude, grâce à l'emploi d'un vocabulaire partagé. Nous avons développé une mesure visant à évaluer la cohérence de cette pratique : plus la valeur des liens entre les mots d'indexation d'un sous-ensemble documentaire est élevée, plus l'alignement des auteurs sur une prise de position commune peut être considéré comme acquis. Nous parlons alors d'une forte visibilité thématique. L'axe des Y sur la figure 2 sert à classer les thèmes par ordre décroissant en fonction de cette mesure. Quant à l'axe des X, il sert à classer les mêmes thèmes en fonction de la force de leurs liens externes. Plus la valeur de ces liens est élevée, plus un thème est considéré comme ayant un pouvoir de structuration des recherches en cours qui est socialement reconnu. Le classement effectué selon un ordre décroissant de cette mesure permet d'évaluer la centralité des thèmes dans l'espace du corpus général.

La figure 2 montre la convention graphique que nous avons adoptée pour rendre compte des résultats de ces traitements LEXIMAPPE [25]. Les thèmes sont automatiquement placés à l'intérieur d'un plan en fonction des classements des classements effectués par rapport aux deux axes qui viennent d'être définis. Le plan est divisé en quatre quadrants, ce qui permet d'interpréter les distributions observées. Cette interprétation oppose les thèmes qui sont à la fois centraux et visibles à ceux qui sont au contraire d'un intérêt statistique secondaire parce qu'ils sont :

La figure 2 est un outil d'aide à l'élaboration d'une pensée stratégique. Le tableau "documents/mots d'indexation" permet de savoir qui travaille sur les différents thèmes visualisés sur la carte. Supposons, par exemple, que les laboratoires français travaillant dans un domaine donné s'intéressent prioritairement à des thèmes classés comme étant d'une importance secondaire. Supposons ensuite que les laboratoires des pays concurrents tels la Grande Bretagne, les États-Unis ou le Japon se positionnent autrement, inscrivant leurs recherches dans le "mainstream" de l'activité scientifique internationale (quadrant 1). Que faut-il en conclure ? A l'heure actuelle, la machine ne peut pas aller plus loin que la construction automatique de cet outil de positionnement stratégique. Nous présenterons plus loin notre démarche visant à lui donner un savoir-faire "politique". Notre objectif à long terme est de permettre aux machines d'un RHI de prendre activement part aux discussions sur les conclusions à tirer des observations qu'elles ont enregistrées et ordonnées dans le cadre de leur gestion dynamique des flux documentaires.

Cependant, il convient d'abord de s'intéresser aux problèmes posés par la mise à jour des cartes.


La mise à jour des cartes scientifiques et techniques

Cette mise à jour pose le problème de l'interprétation de l'impact de l'histoire sur l'auto-structuration d'un espace cognitif et social. Les statistiques du type stochastique nécessitent une telle interprétation : l'alignement devient-il inévitable à mesure que les décisions d'alignement se multiplient au sein d'une population donnée ? Quelle contrainte les décisions passées exercent-elles sur les décisions futures ? Deux approches sociologiques ont produit des outils mathématiques que nous avons expérimentés en vue de résoudre notre problème de mise à jour cartographique. L'une aborde le problème des contraintes structurelles exercées sur les comportements individuels à partir de la notion de "contagion" ; l'autre l'aborde à partir de la notion de "traduction".


Figure 3 -- Etudes sur la dynamique de transformation des cartes stratégiques.


Le contact entre les membres d'un système social explique la diffusion des innovations dans le cadre d'une contagion. Cette contagion s'analyse à partir de deux hypothèses : d'une part, l'offre d'une idée, d'un produit, d'un service, ..., est clairement perçue par les adopteurs potentiels ; d'autre part, ces derniers constituent une population homogène du point de vue de l'innovation puisqu'ils ont des besoins profondément similaires. C'est ce qui explique que les décisions des précurseurs peuvent engendrer un comportement du type "boule de neige", influençant les décisions des autres. Mais comment décrire correctement ce comportement ? J.-P. Courtial s'est efforcé de tirer profit des informations réunies sur la carte stratégique afin de répondre à cette question. Il a notamment constaté empiriquement que le contenu des thèmes situés dans les quadrants 2 et 4 de la carte avait une probabilité d'évoluer dans le temps nettement plus élevée que le contenu des thèmes réunis dans le quadrant 1 [26]. Intuitivement ce résultat s'explique par des pratiques d'inscription dont il a été question plus haut. Afin de valoriser les résultats d'un travail personne, ceux-ci peuvent être mis au service de l'élargissement conceptuel des recherches en cours ; ou bien ils peuvent contribuer à leur approfondissement grâce à la réunion des conditions d'une cohérence nouvelle.

Ces idées sont formalisées sur la figure 3. Courtial a montré que la trajectoire d'un thème de recherche peut être reconstituée à partir de l'étude des variations de son rapport centralité/cohésion interne. Un thème pour lequel ce ratio tend vers 1 aurait tendance à se développer dans le temps ; alors qu'un thème ayant un rapport qui s'éloigne systématiquement de 1 serait probablement en perte de vitesse et pourrait disparaître. Cette analyse des trajectoires n'arrive pas à expliquer des ruptures de courbes. Un thème en perte de vitesse peut repartir de nouveau. Un thème en développement peut brusquement s'éclater ; les trajectoires ne sont pas irréversibles. Des rapports de force sont engendrés par des micro-décisions de routage informationnels qui peuvent transformer l'espace cognitif et social de façon imprévue. Lorsque les courbes changent subitement d'allure ou disparaissent purement et simplement, nous sommes fréquemment en présence de phénomènes de fissuration et/ou de fusion thématiques. Il faut essayer de comprendre de quoi il s'agit. La sociologie de la traduction fournit des outils conceptuels et méthodologiques permettant d'entreprendre cette étude [27].

M. Callon, T. Cahlik et J.-P. Courtial ont commencé à mettre au point une série d'outils de simulation permettant d'y parvenir [28], ces recherches exploitent la notion d'équivalence structurale développée dans le domaine de l'analyse des réseaux sociaux, notamment par R.S. Burt [29].

L'un des objectifs de ces différents types de recherches statistiques est de contribuer au développement d'algorithmes parallèles en vue de la mise à jour automatique des cartes stratégiques. Une modélisation s'appuyant sur des réseaux de neurones formels pourrait nous permettre à terme de simuler les transformations d'un espace documentaire, un peu à la manière des météorologues qui s'efforcent de simuler la dynamique des changements atmosphériques afin de mieux prévoir le temps. Dans cette optique, chaque thème peut être considéré comme un "neurone" qui a un poids synaptique correspondant aux valeurs calculées des associations "thème/mots d'indexation". Un neurone est capable d'enregistrer les modifications dans les valeurs de ses poids synaptiques et puis d'émettre un message alertant son voisinage (ie. les autres neurones thématiques auxquels il est lié dans l'espace documentaire) quant à son nouvel état. La programmation des interconnexions entre neurones et la modélisation de leurs comportements individuels après activation constituent deux difficultés majeures pour simuler la dynamique des flux. Des hypothèses multiples doivent être testées. Il est clair que parmi celles-ci figurent les traitements envisagés ci-dessus en relation avec les notions de trajectoire, de fissuration et de fusion. Dans le cadre de sa thèse, A. Georgel a réalisé un simulateur des modèles connexionnistes adapté au traitement des données documentaires [30].


Positionnement et représentation de l'action collective

Les deux objectifs poursuivis ci-dessus ont été : De nombreux problèmes existent encore, mais sur le plan théorique il nous semble possible de construire une machine capable de "penser" stratégiquement. Mais peut-elle être considérée pour autant comme un acteur dans un RHI ? Selon notre définition ci-dessus, l'acteur est celui qui, par son autonomie d'action et l'indépendance de son analyse, peut être considéré comme un principe organisateur du passage du monde ouvert des flux aux mondes clos de l'action. L'acteur est celui qui, selon Deleuze, structure notre champ perceptif. Cette définition s'applique formellement à l'action de la machine : la carte stratégique est un outil de gestion des flux. Elle permet de visualiser leur impact sur la structure thématique d'un espace documentaire. Cela dit, la théorie de Deleuze s'applique aux relations qui existent entre êtres humains. Dans le cadre de notre travail, l'autre est un non-humain : l'acteur est une machine.

Aucun scientifique ne peut nier le rôle des machines dans l'organisation de son champ perceptif. Seules les machines permettent d'observer avec la précision voulue les phénomènes du monde naturel. Notre objectif est différent. Il s'agit d'étudier l'écrit en tant qu'expression d'un comportement social et de donner à une machine la capacité d'en faire une analyse indépendante. Peut-on espérer que les scientifiques accordent autant de crédit à l'analyse socio-cognitive de notre machine qu'ils en donnent à leurs instruments de mesure ? Clairement la réponse est non.

Les réseaux hybrides d'intelligence posent le problème des conditions d'une coopération homme/machine efficace. Ce problème sera particulièrement difficile à résoudre dans le cadre de notre travail. L'objectif est d'aboutir à de nouvelles formes de rationalisation du travail collectif. Grâce aux machines, une pensée stratégique pourrait théoriquement s'ajuster dynamiquement aux réalités des pratiques locales, ce qui lui donnerait une légitimité accrue en tant qu'aiguillon de l'action collective. Cet objectif resterait toutefois hors de portée si des machines étaient encore longtemps tenues pour des acteurs de second ordre dans les RHI. Un réseau est hybride ou il ne l'est pas [31]. Quand il est composé d'acteurs de statuts différents, nous pouvons redouter le pire. Les nouvelles technologies de traitement de l'information sont trop souvent plaquées purement et simplement sur les structures organisationnelles existantes [32], comme nous l'avons déjà vu.

Afin d'"humaniser" la machine, la voie qui est la plus fréquemment envisagée est celle qui consiste à lui donner la capacité d'expliquer ses propres raisonnements. Le but est de convaincre, de donner confiance à l'utilisateur quant à la qualité des informations que la machine est en mesure de réussir. Notre approche est différente. En insistant sur le fait que l'information est l'action, nous avons affirmé ceci : nous comprenons ce que l'autre nous dit sans que le sens de sa prise de position ait besoin d'être expliqué. Nous ne pensons donc pas que la confiance vient de la capacité de convaincre de la justesse d'un raisonnement. Nous proposons de suivre sur ce point l'argument de K. Popper : la confiance vient de notre incapacité de réfuter une proposition [33].

La réfutation concerne la relation qui existe entre ce que nous disons et ce que nous savons. Elle pointe sur l'abîme qui sépare les mots et les choses, les discours et les faits. Un des résultats des recherches en sociologie des sciences est d'avoir montré l'étendue des ressources qui peuvent être mobilisées au service de la critique. Celle-ci porte sur les conditions de production d'une proposition. M. Callon a identifié dans ses recherches les intermédiaires qui sont mobilisés à cette fin ainsi que nous l'avons montré ci-dessus.

Nous entamons ici le commentaire de la deuxième partie de la figure 1, celle qu'organise autour d'une plate-forme est une interface homme/machine visant à permettre aux hommes de réfuter l'analyse des enjeux stratégiques faite par la machine. Les ressources qui (pour l'instant) peuvent être mobilisées au service de la critique sont les documents, les banques de faits, les banques de connaissances et les banques d'images, les travaux dans cette partie de notre programme sont beaucoup moins avancées que ceux qui ont fait l'objet des développements précédents. Nous tenons toutefois à résumer nos orientations actuelles de recherche. Cependant avant de s'y atteler, il nous semble important de souligner de nouveau l'objectif sociologique que nous poursuivons en entreprenant ce projet spécifique d'ingénierie.

Notre hypothèse de travail est la suivante : les rapports de force responsables des transformations de nos espaces socio-cognitifs se nouent autour du problème de la réfutation. Celle-ci suppose que soient mises en cohérence des informations documentaires, des chiffres, des savoir-faire, des dispositifs techniques et des connaissances. Des stratégies individuelles peuvent être semblables sur ce point mais elles ne seront jamais tout-à-fait identiques.

Et ce sont précisément ces différences qui expliquent l'émergence des rapports de forces, elles expriment l'autonomie de l'acteur, l'indépendance de son analyse stratégique. Elles annoncent des critères spécifiques d'établissement de ressemblances et de différences et, de ce fait, structurent notre perception de nos espaces socio-cognitifs. Elles renvoient, en somme, à différentes manières de baliser le passage du monde ouvert des flux aux mondes clos de l'action. La plate-forme de positionnement est donc considérée comme un outil d'observation. Elle devrait nous aider à étudier la nature des interactions hommes/machines conduisant à l'affirmation d'une différence. L'objectif est de mieux comprendre les mécanismes d'émergence des rapports de forces responsables, selon nous, des transformations structurelles de nos espaces socio-cognitifs.


          

Les documents

Les cartes stratégiques modélisent les flux documentaires, comme nous l'avons expliqué. Elles exploitent un critère de classification fondé sur la ressemblance des vecteurs d'indexation, afin d'identifier des thèmes mobilisant des moyens de production de la science. Nous avons établi dans différentes études qu'il existe une relation d'isomorphie entre la modélisation de l'espace documentaire que permettent les cartes et la représentation de leurs espaces socio-cognitifs respectifs que peuvent en avoir des scientifiques [34]. Deux nouvelles thèses viennent de débuter sur les conditions d'établissement de cette relation d'isomorphie, l'une dans le domaine de la modélisation des brevets, l'autre dans le domaine de la documentation interne des entreprises.

La modélisation cartographique distribue des objets thématiques sur un plan en mesurant la force des associations qui existent entre ces différents objets. Nous avons très tôt fait appel aux nouvelles technologies hypertextuelles en vue de gérer ce fichier d'objets et de liens [35], et ceci pour deux raisons principales.

La première est liée aux résultats de nos recherches sur l'isomorphie. L'existence d'une relation certifiée entre des cartes de positionnement et des structures de représentation semblait offrir une solution possible au problème difficile et encore non-résolu de la navigation hypertextuelle dans l'espace documentaire. Cette navigation est fondée sur l'exploitation des possibilités graphiques des ordinateurs. L'écran de celui-ci est divisé en plusieurs fenêtres. Chaque fenêtre sert à appeler à l'écran les blocs informationnels (ou "objets") qui intéressent l'utilisateur. Celui-ci peut naviguer entre objets en vertu des liens établis au niveau de la base de données. Mais quels sont les objets et les liens qui doivent être retenus pour pouvoir satisfaire des stratégies multiples et variées de navigation ? Et comment éviter que les coûts de construction d'un tableau objets/liens ne deviennent prohibitifs [36] ? La modélisation LEXIMAPPE des flux documentaires semble offrir des réponses positives à chacune de ces trois questions [37]. B. Michelet a notamment montré que la carte stratégique peut être appelée à l'écran et servir de boussole d'orientation pour naviguer dans un espace socio-cognitif. Chaque thème constitue à son tour une voie d'accès aux micro-mondes de la recherche. Enfin, la force des liens entre ces thèmes peut être exploité pour organiser des stratégies spécifiques de navigation dans l'espace socio-cognitif.

Cette dernière idée a été à l'origine d'une deuxième série de recherches visant la construction d'aides au positionnement. Partant d'un thème donné, quels sont les autres micro-mondes de la recherche qu'il convient d'évaluer convenablement des options stratégiques ouvertes ? Nous avons expérimenté une première possibilité simple de construction de ces aides. La valeur des associations entre les thèmes, calculée par LEXIMAPPE, peut être considérée comme une mesure de l'intérêt d'établir un lien entre eux. Plus la valeur est élevée, plus le passage devrait être rendu possible. Nous avons construit une interface de navigation fondée sur cette hypothèse [38]. Les résultats n'en ont pas été concluants. Ce qui est théoriquement assez compréhensible : la structure de navigation proposée était fondée sur des associations fortes, alors que nous aurions dû sans doute prêter plus d'attention à des associations en cours d'émergence. Cela tient à ce que nous avons déjà dit plus haut : des stratégies de positionnement impliquent un souci de différenciation sociale.

Une recherche aussi bien théorique que technique s'impose afin de détecter des associations faibles mais pertinentes pour le positionnement socio-cognitif. Une thèse a été réalisée sur ce sujet [39]. Elle a montré l'intérêt d'utiliser la théorie des graphes afin d'identifier des liens pertinents en question, cette recherche n'est toutefois qu'à ses débuts, mais elle sera poursuivie dans le cadre d'une nouvelle thèse.


          

Les bases de données factuelles

Une recherche visant l'évaluation d'une politique scientifique régionale nous a conduit, pour chaque laboratoire universitaire de la région, à établir deux fichiers : un fichier dit factuel contenant des informations sur ses ressources, son personnel, ses axes de recherche, ses relations avec le monde industriel, et un fichier de ses publications télédéchargées depuis un serveur. Le nom du laboratoire a permis d'établir un lien entre la structure thématique de la recherche régionale visualisée par LEXIMAPPE d'une part, et le fichier factuel d'autre part. En cliquant sur un thème, il a donc été possible d'exploiter ce "pointeur" vers des données factuelles en vue de faire deux analyses complémentaires : la première portait sur la visibilité et la centralité des thèmes dans l'économie générale de la recherche régionale (analyse cartographique) ; la deuxième servait à évaluer les moyens accordés à chaque thème sur le plan local (analyse des données factuelles concernant les laboratoires travaillant dans le thème) [40]. Cette double analyse a permis de formuler des propositions en faveur d'une technique de gestion de la recherche fondée sur une connaissance de la dynamique des réseaux [41].

Cette première maquette a été améliorée par un travail de DEA. Le stage s'est déroulé dans le cadre d'une coopération de longue date avec BULL. Comme le montre la figure 4, notre plate-forme de positionnement est basée sur des conceptions de BULL. L'environnement informatique distribué permet d'exploiter une interface de programmation afin de développer des applications du type client/serveur sans avoir à prendre en compte les mécanismes de communication entre les machines. Quant au système AIRS (Advanced Information and Retrieval System), son intérêt de notre point de vue réside dans l'efficacité de sa gestion des pointeurs cognitifs. Ceux-ci sont inscrits dans un dictionnaire dont la structure peut être ramenée à un tableau "Objets/Mots d'indexation". Des exemples d'objets sont : des blocs de textes intégraux ; des images ; des bases relationnelles ; des bases de connaissances. Les mots d'indexation de ces objets sont réunis dans des listes d'autorité. Une liste normalisée de laboratoires en constitue un exemple. Elle est exploitée en tant que structure d'aiguillage vers les différents serveurs présents dans le réseau.

Le stage visait à mettre en communication un serveur relationnel et le serveur documentaire. Les premiers résultats ont été prometteurs. L'AIRS nous a permis :


          

Les bases de connaissances

Jusqu'à ici les recherches sur les systèmes interactifs d'aide à la décision (les SIAD) se sont développées indépendamment des recherches en informatique documentaire. Ceci ne devrait plus être le cas si notre hypothèse de travail est correcte. Bien gérer les flux documentaires est nécessaire pour comprendre l'émergence des micro-mondes de l'action. En règle générale, la programmation des SIAD montre son efficacité dans le contexte des mondes clos, comme nous l'avons dit. Un terrain de rencontre devrait donc pouvoir se trouver.

Dans le cadre d'une coopération franco-québécoise, nous avons adopté l'hypothèse selon laquelle un expert a en tête la carte cognitive de son domaine d'activité. Afin d'étudier le processus de création de cette représentation, un système informatique a été créé en collaboration avec nos collègues canadiens [42]. Ce système permet à l'utilisateur du système :

Cette machine doit maintenant être utilisée pour qu'on comprenne mieux les relations qui existent entre des stratégies de positionnement et des structures de représentation. Nous avons déjà émis l'hypothèse selon laquelle les premières modifient les secondes. Afin de tester cette relation de causalité, nous sommes en train de construire une interface de communication entre les cartes stratégiques et les cartes cognitives personnalisées. Grâce à cette interface nous devrions être en mesure de soumettre des informations pour la détermination de catégories et la construction des graphes conceptuels dans un ordre variable selon leur apparition sur les cartes stratégiques.

Ce dispositif expérimental doit nous permettre de mieux comprendre des problèmes liés à l'acquisition des connaissances. Le problème posé est un problème traditionnel dans le domaine des sciences sociales : en quoi l'ordre des questions posées influence-t-il la nature des réponses obtenues ? Pourquoi vouloir transposer ce problème d'enquête sociologique dans les domaines des interactions hommes/machines ? Notre objectif est de créer un réseau hybride d'intelligence dans lequel les machines occupent un rôle équivalent à celui des hommes dans la circulation des informations. Cet objectif suppose des recherches sur la façon dont ceux-ci utilisent les informations provenant de celles-là. L'élucidation de ces pratiques d'usages nous conduit à inverser la relation généralement étudiée dans le domaine de la cognition. Les cogniticiens considèrent que la puissance de leurs systèmes dépend de la quantité et de la qualité du savoir qu'il peut mettre en oeuvre. Le processus qui permet d'acquérir ce savoir à partir d'experts humains et de le représenter de manière adéquate constitue donc une phase cruciale dans la construction de leurs systèmes. Quant à nous, nous nous intéressons au contraire au processus par lequel les hommes représentent de manière adéquate des informations provenant des machines.

En effet, il nous semble qu'une des critiques les plus pertinentes du projet d'un RHI est celle de H. Collins lorsqu'il écrit : "les hommes sont si accoutumés à bâtir du sens à partir des signaux rudimentaires..., qu'ils ne sont pas aisément perturbés par le non-sens" [43]. Des enquêtes ont permis d'établir l'existence de la relation d'isomorphie, dont nous avons parlé ci-dessus, entre des cartes stratégiques d'une part et la représentation qu'ont les scientifiques des enjeux stratégiques de leurs disciplines d'autre part. Collins laisse entendre que ce résultat pourrait s'expliquer par la capacité propre des êtres humains de donner du sens à n'importe quoi : le dispositif expérimental dont il est question ici doit nous aider à voir plus clair sur ce point.

Figure 4 -- Conception informatique d'une plate-forme de positionnement.

eid = environnement informatique
AIRS = "Advanced information and retrieval system"
Les serveurs contiennent les bases propres à chaque station de travail locale : chaque base est indexée par des mots d'indexation ; ces mots sont réunis dans le dictionnaire du réseau.
Les informations nécessaires pour accéder aux serveurs sont contenues dans le dictionnaire. Ces informations sont structurées sous forme de : cartes navigationnelles ; lexiques ; thesaurus.



          

Les bases d'images

Les pratiques d'usage des informations "machines" doivent également être posées en relation avec l'extension de plus en plus rapide des technologies multimédia. De plus en plus les images circulent. Ce qui nous intéresse est leur utilité pour décrire des dispositifs techniques. Renault, par exemple, offre à ses distributeurs un CD-Rom leur permettant, en principe, de comprendre le fonctionnement d'un moteur sans jamais avoir à mettre les mains dans le cambouis. Des outils de ce type pourraient être des moyens puissants redéfinissant constamment des micro-mondes de la pratique. Le problème posé est celui de l'apprentissage technique assisté par ordinateur. Une thèse est en cours sur ce sujet.

Comment établir la spécificité de sa contribution éventuelle à l'élaboration d'une stratégie collective ? Notre point de départ pour traiter ces questions réside dans l'idée que l'information est l'action. Elle déclenche directement des nouvelles stratégies de positionnement, de ce fait, modifie constamment notre perception des enjeux stratégiques. Dans des situations complexes où tout est susceptible de changer, les marchés aussi bien que les savoirs et les techniques, on peut s'attendre à la multiplication d'analyses contradictoires. La prise de position des uns devient alors une source d'information pour l'action des autres, à condition que la confiance règne. Comment faire en sorte que le "discours" d'une machine sur les orientations stratégiques à prendre soit entendu ?

Les discours simplifient la réalité des flux reliant l'entreprise à son environnement. Pour être confiant, il faut que :

  1. on puisse creuser la question si on le veut ;
  2. que l'on soit persuadé que l'effort est inutile (le risque d'erreur estimé ne justifie pas cet effort). Ces deux principes expliquent nos recherches actuelles. Nous sommes en train de construire une interface homme/machine fondée sur le principe juridique de la contradiction. Un regard critique doit être porté sur la nature du lien qui existe entre ce que nous disons et ce que nous savons. Dans la mesure où une machine s'impose comme facteur de mise en cohérence des discours et des faits, l'intérêt de son action au sein d'un RHI sera socialement reconnu. Des nouvelles conceptions informatiques prévoient la mise en communication des serveurs de données documentaires, de données factuelles, de bases de connaissances et d'images. Notre objectif est d'en tirer profit afin d'approfondir l'étude des dimensions sociales et organisationnelles de l'intelligence.
Cependant, les difficultés rencontrées pour atteindre cet objectif confirment la nécessité d'une meilleure compréhension des dimensions sociales et organisationnelles de l'intelligence. La construction d'une machine capable d'une pensée stratégique indépendante à l'intérieur d'un RHI devrait nous permettre d'acquérir cette connaissance. Mais comment donner aux machines une capacité de gestion autonome des flux documentaires ? Cette question a été traitée de plusieurs points de vue. Nous avons notamment présenté nos recherches sur : La troisième partie du texte a posé le problème d'une construction sociale d'une pensée stratégique. Nous avons abordé cette question à partir d'une interrogation portant sur les conditions d'une coopération effective et efficace entre les hommes et les machines au sein d'un réseau hybride d'intelligence. C'est la notion d'hybride qui retient notre attention. Comment mesurer la qualité d'une pensée stratégique machinique ?


          

Conclusions

Ce texte a été organisé en trois parties. La première a permis d'établir l'importance du lien qui existe entre la circulation des informations documentaires sur support électronique et la pensée stratégique des entreprises. Nous nous sommes efforcés de montrer que l'étude de cette relation suppose une approche pluridisciplinaire combinant des résultats de la sociologie des sciences, de l'intelligence artificielle et de la sociologie des organisations.

La deuxième partie a porté sur nos efforts visant à construire une machine capable de "penser" stratégiquement. Ce programme d'ingénierie de l'information tient compte de l'hypothèse suivante : une entreprise peut d'ores et déjà être considérée comme un ensemble d'hommes et de machines travaillant en coopération sur un réseau informatique. Elle est un réseau hybride d'intelligence (un RHI). Étudier le fonctionnement des RHI en vue de comprendre les mécanismes d'élaboration d'une pensée stratégique collective conduit à poser le problème des nouvelles formes de rationalisation du travail. En effet, ces réseaux permettent d'envisager la gestion décentralisée des activités opérationnelles avec une centralisation rapide des informations nécessaires aux décisions stratégiques.

William Turner

CERESI / CNRS


          

Notes

[1]
F.G. Varela, Autonomie et connaissance : Essai sur le Vivant, Seuil, 1989.

[2]
P. Bourdieu, "La spécificité du champ scientifique et les conditions sociales du progrès de la raison", Sociologie et Sociétés, Vol. 7, Mal 1975.

[3]
P. Feyerabend, Contre la méthode, Seuil, Paris, 1979.

[4]
M. Callon, Production de technologies nouvelles et appropriation du long terme : le véhicule électrique, Rapport de fin d'étude, CSI : CORDES, 1978.

[5]
J.G. March et HA. Simon, Les organisations, Dunod, 2ème Édition, Paris, 1991, p. 136.

[6]
H.A. Simon, Science des Systèmes : Sciences de l'Artificiel, Afcet Systèmes, Dunod, Paris, 1991.

[7]
Rapport A. Riboud, Europe technologique, industrielle et commerciale, Commissariat Général du Plan, Xème Plan 1989-1992, Documentation Française, juillet 1989.

[8]
P. Cohendet, M. Holland, T. Malsch, P. Veltz, L'après-taylorisme : Nouvelles formes de rationalisation dans l'entreprise en France et en Allemagne, Economica, Paris, 1988.

[9]
M. Godet, Prospective et planification stratégique, CPE-Economica, Paris, 1985, p. 255.

[10]
T. Peters, R. Waterman, Le prix de l'excellence, Interéditions, Paris, 1983.

[11]
M. Crozier, et E. Friedberg, L'acteur et le système, Editions du Seuil, Paris, 1977.

[12]
D.I. Amoroso (chair), Measuring the effectiveness of emerging technologies, Oganization systems and technology, Proceedings of the 24th Annual Hawaii International Conference on System Sciences, IEEE Computer Society Press, Washington, 1991, p. 427-500.

[13]
M. Callon, "Réseaux technico-économiques et irréversibilité", dans Boyer, Chavance et Godard (eds), Les figures de l'irréversibilité en économie, Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, 1991.

[14]
M. Foucault, L'archéologie du savoir, Editions Gallimard-NRF, Paris, 1969.

[15]
G. Deleuze, Logique du sens, Les Editions de Minuit, 1969, p. 357.

[16]
G.E. Hinton et J.A. Anderson (eds), Parallel Models of associative Memory, Lawrence Erlbaum Associates, New Jersey, 2nd Edition, 1989.

[17] [21]
B. Michelet, L'analyse des associations, Thèse de doctorat d'Université, SERPIA/INIST-CNRS/Université de Paris VII, 1988.

[18] [19]
G. Chartron, Analyse des corpus de données textuelles, sondage de flux d'informations, Thèse de Doctorat d'Université, SERPIA/INIST-CNRS/Université de Paris VII, 1988.

[20] [35]
W.A. Turner, "Information aids for technological decision-making : new data processing and interrogation techniques for fuII-text patent databases", Proceeding of RIAO 88, (User-oriented content-based text and image handling) CID, Paris, 1988.

[22]
W.A. Turner (ed.), "Scientometrics in France", Numéro spécial de la revue Scientometrics, Vol. 22, Nº 1, 1991.

[23]
J. Law, J. Whittaker, Mapping Acidification Research : a test of the co-word method, Rapport de fin d'études, ESRC-Université de Keele, 1989.

[24]
R.R. Braam, H.F. Moed, A.F.K. Van Raan, "Co-citation and Co-word analysis combined : new developments", Select proceedings of tire first international workshop on science and technology indicators, Leiden, Pays-bas, 1988.

[25]
W.A. Turner, G. Turner, S. Pecquerie, Les outils CARTINDEX/LEXIMAPPE au service de la programmation de la recherche : Etude des mycotoxines, Rapport de fin d'études, SERPIA/CDST-CNRS/SGDN, 1986.

[26]
M. Gallon, J.P. Courtial, F. Laville, Co-word analysis as a tool for evaluating public programmes of research, Rapport de fin d'études CSI-NSF, 1990.

[27]
M. Callon, La science et ses réseaux, Editions de la Découverte, Paris, 1989 ; B. Latour, La science en action, Editions de la Découverte, Paris, 1989.

[28]
M. Callon, T. Cahlik, J.-.P. Courtial, Modeling tire dynamic process in an actor network, Document interne de travail, CSI/École des Mines, Février 1992.

[29]
R.S. Burt, "Detecting role equivalence", Social Networks, 12, 1990, pp. 83-97.

[30]
A. Georgel, Classification statistique et réseaux de neurones formels pour la représentation des banques de données documentaires, Thèse d'Université, CERSI/CNRS-Université Paris VII, 1992.

[31]
B. Latour, Nous n'avons jamais été modernes, Editions de la Découverte, Paris, 1992.

[32]
T. Malsch et H.J. Weissbach, "Les technologies d'information entre gestion centralisée et auto-régulation" dans P. Cohendet, M. Holland, T. Malsch, P. Veltz. L'après-taylorisme : Nouvelles formes de rationalisation dans l'entreprise en France et en Allemagne, Economica, Paris, 1988.

[33]
K. Popper, The logic of scientific discovery, Harper Torchbooks, 2nd Paperback Edition, New York, 1968.

[34]
S. Bauin et B. Michelet, Comprendre la réaction chimique, Rapport de fin d'études, SERPIA-CDST/CNRS-DRCI/CNRS, 1987.

[36]
Voir :
  • J. Conklin, "Hypertext : an Introduction and survey". Dans IEEE, Septembre 1987, pp. 17-41.
  • J.B. Smith et S.F. Weiss (ed.), "Hypertext", Communications of the ACM, Vol. 31, Nº 7, July 1988.
  • [37]
    G. Tell, Candide : un outil de sociologie assistée par ordinateur, Thèse de Doctorat, CSI- Ecole des Mines, 1991.

    [38]
    W.A. Turner, Laville F., Hurault-Plantet M., Kaltenbach M., LEXITRAN (LEXIcon TRANSlation System ) : Application aux Brevets Européens, Rapport de fin d'études, SERPIA/INIST/CEE, 1990.

    [39]
    J. Pomian, Statistique et connaissance de structure : application à la reformulation des enquêtes documentaires, SERPIA-INIST/CNRS Université de Paris Vl, 1990.

    [40]
    W.A. Turner et F. Rojouan, "Evaluating input/ouput relationships in a regional research network using co-word analysis techniques". Dans W.A. Turner (ed.), Scientometrics, Vol. 22, Nº 1, 1991 pp. 139-154.

    [41]
    W.A. Turner, B. Michelet, J.-P. Courtial, "Scientific and technological information banks for the net work management of research", Research Policy, Vol. 19, Nº 5, Octobre 1990.

    [42]
    V. Lavergne-Boudier, Système dynamique d'interrogation des bases de données bibliographiques, Thèse de Doctorat, SERPIA/INIST/CNRS-Université de Paris VII, 1990.

    [43]
    H.M. Collins, Experts artificiels : machines intelligentes et savoir social, Editions du Seuil, 1992, p. 137.


    © "Pour une nouvelle économie du savoir". In Solaris, nº 1, Presses Universitaires de Rennes, 1994