Sur quelques pratiques de l'information mathématique

Catherine GOLDSTEIN


URA D-0752, CNRS-Université de Paris-Sud
Bât 425 Université de Paris-Sud
F-91405 Orsay Cedex France
Catherine.Goldstein@math.u-psud.fr


Décembre 1997


Résumé

Le rapport des mathématiques aux pratiques de l'information est exploré dans cet article de deux manières.

Plusieurs exemples illustrent d'abord la façon dont les mathématiques ont forgé, pour différents savoirs, des outils particuliers d'accès à l'information ; nous indiquons comment l'existence de telles interactions retentit sur tout projet d'examiner, dans la longue durée, le fonctionnement propre de la documentation mathématique.

Une seconde partie esquisse ensuite brièvement l'évolution de quelques modes d'enregistrement, d'échange et de diffusion des résultats mathématiques, pour les périodes moderne et contemporaine en Occident.


Abstract

I explore in this paper the relationship between mathematics and the practices of information in two ways.

First, I illustrate by some examples how mathematics has forged special tools to store and classify information for various fields of knowledge, and I explain some reciprocal consequences for any examination, in the long term, of the functioning of the mathematical documentation itself.

I then concentrate on the modern and contemporary Western world and sketch briefly the evolution of some of the means used to register, exchange and diffuse mathematical results.







Introduction

Comment inscrire les mathématiques dans une réflexion générale sur le savoir et ses pratiques d'information ? Deux points de vue, au moins, sont possibles. L'un, qui sera adopté dans la majeure partie de cet article, examine les mathématiques en tant que discipline spécifique et s'intéresse aux moyens particuliers que celle-ci a forgés ou empruntés pour enregistrer et diffuser ses résultats ; dans cette perspective, le savoir à classer, à annoter, à identifier, est d'emblée mathématique. Mais on peut choisir une autre approche qui repose sur une interprétation large de ce que signifie "condenser" ou "repérer" une information. Je voudrais l'évoquer en guise d'introduction, car elle permet aussi de mieux comprendre certaines difficultés inhérentes à l'étude de la documentation mathématique : cette approche considère les mathématiques elles-mêmes comme une vaste entreprise pour produire des outils d'accès à des informations variées, et pour traiter ces informations.




1- En guise d'introduction: les mathématiques comme outil d'accès à l'information

D'autres disciplines, comme le droit, fabriquent bien sûr des techniques d'information employées dans différents champs ; ce qui singularise peut-être les mathématiques, c'est la multiplicité de leurs lieux et de leurs modalités d'intervention. Architecture, agriculture, musique, art militaire, mécanique des fluides, astronomie, météorologie, poétique, épidémiologie, ne sont que quelques exemples de domaines dans lesquels des mathématiques sont utilisées, non seulement à titre auxiliaire dans des calculs, mais aussi pour trier les connaissances à retenir et pour les organiser. Elles y opèrent de plusieurs manières : en suggérant un découpage en unités appropriées à un traitement numérique ; en tant qu'outil de classement ; comme langage conceptuel ; en enregistrant et en codant en masse des données ; en condensant par des formules certaines informations ; par l'intermédiaire de modèles, qui ne retiennent d'une réalité complexe qu'une information partielle, mais pertinente par rapport aux objectifs visés. Dans certains cas, ces outils, sous une forme prête à l'emploi, sont devenus d'un usage général, au point de faire oublier leur lien originellement étroit avec les mathématiques : logiciels d'analyse des données, graphes, codage (par exemple par codes-barres), et le plus banal des modes de repérage, la numération écrite.

Ces interventions ne se limitent d'ailleurs pas à un univers extérieur aux mathématiques. Les mathématiciens produisent aussi des relectures de travaux antérieurs, qui infléchissent les catégorisations et les types de repérage privilégiés. Par exemple, la banalisation de l'algèbre symbolique en Europe, à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle, a conduit à catégoriser selon la forme de l'équation associée des problèmes classés auparavant selon d'autres critères, par exemple leurs procédures de résolution, ou le thème concret (opérations commerciales, géométrie pratique) qui leur donnait naissance [1]. La délimitation d'un nouveau champ mathématique s'accompagne d'une nouvelle évaluation des questions pertinentes, de leur forme, de celle des solutions valides, qui retentit parfois sur la classification des savoirs : le savoir antérieurement constitué n'est pas abandonné, mais réinterprété, reclassé et éventuellement repéré de manière différente. Dans cette reconstruction, certaines parties du corpus mathématique servent de données à une autre partie, qui peut ainsi apparaître comme un outil d'accès à cette information. Dans l'exemple mentionné ci-dessus, l'algèbre permet par exemple de résumer une multitude de résultats grâce à une seule équation, qui sert alors d'outil implicite de classement et de documentation --il s'agit bien d'un résumé dans la mesure où des détails propres à chaque situation antérieure, des astuces de résolution par exemple, sont susceptibles de disparaître dans la réécriture algébrique--.

Qu'il s'agisse d'interventions internes ou non aux mathématiques, il existe souvent une relation dynamique entre l'information enregistrée et traitée et le développement même de l'outil mathématique concerné. Cette relation peut d'ailleurs mettre en oeuvre des intermédiaires multiples. Prenons l'exemple du traitement mathématique des questions démographiques [2]. Des ajustements doivent être négociés entre, d'une part, les notions mathématiques disponibles, et, d'autre part, les renseignements qu'on souhaite obtenir sur une population donnée. Peuvent intervenir dans ces négociations des transferts techniques entre branches mathématiques, créant des connaissances mathématiques nouvelles, mais aussi la mise en place d'institutions, administratives ou économiques, permettant de mobiliser, pour la population visée, les données nécessaires au fonctionnement adéquat de ces connaissances. Le va-et-vient entre outil du savoir et savoir même, la transformation d'un outil d'enregistrement en objet d'étude à part entière, ou sa réciproque, sont ainsi des phénomènes fréquents en mathématiques.




2 - Des mathématiques comme outils d'accès à l'information aux outils de l'information mathématique


2.1 Deux exemples

Les deux approches distinguées au début de cet article -- étudier les mathématiques comme une discipline utilisatrice d'outils d'information ou les étudier comme une technologie de l'information -- sont donc intimement liées. Deux exemples, brièvement commentés, illustreront les effets de cette ambivalence sur l'analyse des pratiques d'information dans les mathématiques mêmes.

Le premier exemple concerne la métrologie en Mésopotamie. Les plus anciennes tablettes connues (vers 3000 avant notre ère) comportent des comptes, et on a pu retracer de manière plausible les étapes de la naissance de l'écriture, la complexe évolution qui mène à l'inscription séparée de signes quantitatifs d'une part, et de signes représentant les objets à repérer, d'autre part [3]. Des étapes ultérieures ont été récemment mieux comprises. Les signes quantitatifs sont d'abord métrologiques et il n'existe pas alors un unique système de comptage. Le choix même des signes, ainsi que les valeurs relatives des signes entre eux, dépendent du système de mesures concerné, donc d'une certaine classification préalable des objets considérés. Par exemple, le signe formé de deux cercles concentriques vaut dix fois celui formé d'un grand cercle s'il s'agit d'enregistrer des brebis ou des longueurs, alors que le même signe "grand cercle" vaut six fois le signe formé des deux cercles concentriques lorsqu'on mesure la surface d'un champ. Pendant le millénaire suivant, sous les effets conjugués de changements politiques, de réformes administratives et d'efforts de simplification au niveau de l'écriture même -- qui devient l'écriture cunéiforme bien connue --, on assiste à une nouvelle séparation de signes, certains désignant le système des unités utilisé, d'autres la quantité même de biens recensés. Ces derniers signes, constituant la partie proprement numérique de l'information, sont eux-mêmes peu à peu simplifiés et unifiés, jusqu'à l'adoption d'un système unique de notation et de calcul, à position, et de base 60. Cette période voit aussi l'apparition de textes scolaires d'apprentissage des mathématiques, en particulier d'exercices de comptes et de tables de conversion d'unités [4].

Autrement dit, des mathématiques sont créées pour fabriquer, repérer et conserver une information économique. Or, on constate une interaction poussée entre, d'une part, le perfectionnement des mathématiques en tant qu'outil, en vue d'une meilleure adaptation à son usage comptable -- une plus grande rapidité de mise en oeuvre, une fiabilité accrue en ce qui concerne le repérage de signes distincts --, et, d'autre part, le développement de notions proprement mathématiques -- comme le nombre abstrait, écrit, impliqué dans des calculs arithmétiques-- [5]. En particulier, on peut voir cet épisode comme une étape soit de la documentation économique mettant en oeuvre des mathématiques, soit de la documentation mathématique, l'enregistrement de nombres et de systèmes de calculs, mettant en oeuvre des moyens spécifiques tant matériels et graphiques (tablette, calame, traits) qu'institutionnels (une administration centralisée, la formation du scribe de compte).

Mon deuxième exemple concerne l'ethnomathématique. Des cultures, dotées ou non d'une écriture, ont enregistré certaines informations --des itinéraires marins, des fables, des actes de propriété-- sous la forme d'enchevêtrements de liens ou de combinaisons de dessins de base particuliers. Certains anthropologues considèrent aujourd'hui ces activités comme des pratiques mathématiques et montrent en particulier comment les rattacher à des domaines actuels, comme la combinatoire, l'étude des géométries finies ou des groupes [6]. Là encore, on peut donner plusieurs interprétations de cette situation : soit on considère que les mathématiques servant à cette relecture sont un simple outil pour l'ethnologue actuel, lui donnant accès de manière commode à une information sur un produit culturel de la société étudiée ; soit on considère que cette utilisation est une identification authentique, que les matériels observés gardent trace de "vraies" mathématiques. Nous sommes alors confrontés à la nécessité de tenir compte, dans notre enquête sur les outils employés pour conserver l'information mathématique, de nouveaux types d'objets, non écrits au sens strict, comme des enchevêtrements de fils ou des arrangements de points et de lignes variées.


2.2 Quelques problèmes

Quelles sont les conséquences pour notre propos de ces remarques préliminaires ? Tout d'abord, repérer les mathématiques (ou, si on préfère, les définir) ne va pas de soi : les deux exemples précédents témoignent d'activités similaires à des mathématiques, au moins selon certains critères, dans des cultures qui ne les désignent pas, ne les regroupent pas ou ne les isolent pas comme telles.

Ensuite, si nous convenons d'une étendue du champ mathématique (ou si nous nous restreignons à des situations où celui-ci est mieux établi et délimité), ses systèmes de repérage et de gestion d'informations peuvent dépendre complètement des sujets où les mathématiques opèrent, des domaines où elles sont insérées - ne serait-ce que parce qu'ils doivent être structurés en fonction des utilisateurs réels. Les tablettes mésopotamiennes destinées aux scribes de compte sont organisées par thèmes économiques (tables des "mesures d'orge", des "poids d'argent") --organisation qui, comme il a été expliqué plus haut, n'a été ajustée au découpage numérique proprement dit qu'à certaines périodes--. De même, on trouve des procédures qu'il est usuel d'intégrer dans les mathématiques --telles des calculs d'aires ou des transformations de surfaces les unes dans les autres--dans des traités indiens dits des Sulbasutras, composés dans le premier millénaire avant notre ère. Ces procédures sont mises en oeuvre (et peut-être développées) dans un contexte religieux, celui de la construction de différentes formes d'autels rituels ; leur mode de présentation suit ces exigences architecturales, sans mettre en valeur ou indexer sous une même rubrique ce que regrouperaient des classifications plus modernes, orientées sur certains types de résultats mathématiques [7].

Enfin, la culture matérielle des mathématiques offre une large gamme d'objets ayant servi de support à ces informations. Ont été évoqués plus haut des tissus, des dessins variés. Des instruments mathématiques ont souvent été accompagnés d'inscriptions commentant leur fonctionnement, voire d'aide-mémoire sur les principes sous-jacents ; des modèles en carton ou en pierre ont été utilisés à différentes époques pour condenser ou visualiser des renseignements sur des objets mathématiques (ou mathématisés) ; des comptoirs à jetons, des abaques, des bouliers, ont matérialisé des opérations, parfois en concurrence avec le calcul écrit [8] : ce sont autant d'outils développés pour engranger des connaissances mathématiques sous une forme simplifiée, adaptée à un public donné, qui relèveraient donc de notre étude au même titre que les tables d'opérations ou les supports éphémères, sable, poussière, craie et tableau noir.


2.3 Une histoire à long terme de l'information mathématique ?

Nous sommes maintenant en mesure de mieux apprécier les problèmes posés par l'écriture d'une histoire à long terme des outils d'information mathématique.

Plusieurs aspects, partiellement connectés, doivent être explorés :

Différents types de pratique mathématique coexistent à un moment donné, en différents lieux géographiques, en différents groupes sociaux, en différentes sous-branches et disciplines. Chacune d'elle correspond à la combinaison de déterminations particulières de chacun de ces aspects ; notre tâche pourrait être d'en dresser une typologie et d'en examiner les modes d'évolution.

Or, de manière très concrète, certaines instances sont bien mieux documentées que d'autres. Outre la disparition sélective des matériaux -- tout le monde connaît la différence de résistance entre l'argile mésopotamienne et le papyrus égyptien --, certains types de textes ont été transmis plus efficacement, par exemple les grandes compilations. L'attention différentielle accordée à certains genres par les historiens est un autre facteur de nos lacunes : pour la Mésopotamie antique, les mathématiques dispersées dans les très nombreuses tablettes économiques rescapées ont jusqu'à une époque récente suscité moins d'intérêt que celles des textes scolaires, où un savoir plus sophistiqué est engrangé sous un espace restreint [9].

Par ailleurs, il n'existe pas de transmission continue générale, ni pour le savoir mathématique, ni pour ses modes d'enregistrement ou ses pratiques propres de diffusion et de repérage ; les outils d'accès à l'information mathématique ne s'ordonnent pas facilement en un simple schéma linéaire. Pour chacun des aspects mentionnés plus haut, une grande variabilité est de mise ; cette variabilité touche également leurs interférences éventuelles, les évolutions de ces aspects n'étant que partiellement indépendantes. A cause de ces enchevêtrements, la disparition d'une zone d'activité peut entraîner une complète restructuration des procédures de classement ou d'enregistrement de connaissances mathématiques.

Certains outils, bien sûr, sont communs à plusieurs branches du savoir dans une culture donnée, ou à plusieurs civilisations, soit originellement, soit par transfert. On en trouverait des exemples pour tous les aspects évoqués. Les bibliothèques, les institutions du savoir (universités, Académies savantes), les livres, fournissent aisément des illustrations pour les premiers types d'outils mentionnés. Les bio-bibliographies consacrées aux travaux savants, de science, de droit, etc., dans les pays d'Islam médiévaux, sont un autre exemple d'enregistrement particulier, incluant les mathématiques au milieu d'autres savoirs.

Certaines formes analogues sont communes à des domaines différents et les rapprochent dans une culture donnée. Les manuels babyloniens comportent ainsi des tables numériques et des recueils de problèmes, avec ou sans solution, parfois accompagnés de procédures complètes de résolution. Les dispositifs textuels et sociaux des mathématiques sont similaires à ceux d'autres pratiques contemporaines, liées aux soins ou à la prédiction du futur [10]. Ces analogies profondes, valables pour les traités, ne touchent par ailleurs pas nécessairement tous les aspects de la diffusion de l'information : par exemple nous ne connaissons pas de lettres de cette époque discutant de l'efficacité d'un calcul, contrairement à ce qui se produit pour les traitements médicaux.

Un même genre, du point de vue fonctionnel, peut d'ailleurs se décliner sous des formes variées. On peut s'en convaincre en comparant les Éléments d'Euclide dans leurs multiples avatars, en Grèce, puis à l'époque médiévale et moderne, et les Dix classiques, base de certains examens administratifs chinois, qui en constituent un équivalent culturel, au moins dans leur rôle de modèle. Le premier ouvrage est découpé en livres, selon une thématique assez large - figures rectilignes, application des aires, cercle, .... C'est surtout le découpage plus fin de l'information qui est devenu célèbre : axiomes, postulats, théorèmes, le partionnement des preuves en différentes parties elles-mêmes codifiées, cette présentation structure l'ensemble du texte, et au-delà de lui, la manière dont certains de ses éléments peuvent être isolés et repérés. On trouve en effet fréquemment dans les ouvrages ultérieurs des références aux Eléments par simple indication numérique (numéros du livre et de l'axiome ou de la proposition à l'intérieur de chaque livre).

Les Dix classiques, quant à eux, regroupent des textes différant fortement par leur agencement, leurs systèmes de repérage interne, leurs objectifs : certains sont des dialogues entre maître et élève, d'autres comportent des recueils de problèmes agencés sous des rubriques thématiques, liés à une activité agricole, ou parfois à une méthode, d'autres encore contiennent des commentaires d'ordre philologique aussi bien que technique [11].

Il importe de noter que si la forme euclidienne, avec ses axiomes pour chaque branche, ses théorèmes et leurs preuves enchaînées, est restée comme un modèle mythique de la pratique mathématique occidentale, ses variantes effectives ont été nombreuses : on a écrit et fait circuler des extraits commentés des Éléments, ainsi que diverses versions abrégées [12]. Les six premiers livres seuls, qui formaient une base de l'enseignement de la géométrie, ont ainsi fait l'objet de nombreuses éditions séparées ; on trouve également des versions restreintes aux seuls énoncés, sans démonstrations --autrement dit des formulaires d'énoncés géométriques--. Ceci indique d'ailleurs une interférence intéressante entre deux des aspects évoqués au début de cette section : le découpage de l'information dans un texte suggère de nouveaux genres textuels. Pour les Éléments comme pour certains des Dix Classiques, par ailleurs, on peut établir des relations entre l'organisation des traités, le type mêmes de leurs énoncés, et différents outillages de classification, tant matériels qu'intellectuels (par exemple philosophiques), dans chacune des cultures concernées [13].

Il existe enfin des outils apparemment stables, mais dont l'utilisation, la mise en oeuvre, le contenu, témoignent des changements importants dans leur fonctionnement. Ainsi, un outil presque universel de recueil d'informations mathématiques est la table. A Babylone, au IIe millénaire avant notre ère, on trouve des tables de calculs (inverses, multiplications, ...) ainsi que des tables d'iggigubu, des données fixes intervenant dans certaines procédures déterminées : l'"iggigubum du cercle" est utilisé lorsqu'on calcule sa surface, un autre iggigubum concerne le travail quotidien d'un ouvrier --on notera au passage que les informations stockées ne coïncident pas avec ce que nous admettons maintenant d'ordinaire comme des informations mathématiques--. On trouve également des tables en Egypte à la même époque, mais elles ne remplacent pas la totalité des calculs : une partie d'entre eux est effectuée au fur et à mesure, dans les textes, avec des repérages particuliers. À la Renaissance, de multiples tables engrangent non seulement le résultat de certaines observations astronomiques - rappelons que l'astronomie est alors un domaine mathématique-, mais toutes sortes de données, directement issues d'expériences ou corrigées pour se conformer à une théorie, et destinées à l'établissement de principes à partir desquels pourront être déroulés des raisonnements. Dans d'autres cas, l'usage des tables est heuristique, mais selon les milieux impliqués et l'évolution de la profession mathématique, elles seront gardées privées ou au contraire publiées, parfois séparément [14].

Ces quelques cas en pointillé indiquent les interactions possibles, en mathématiques, entre l'organisation matérielle du savoir, ses usages particuliers et l'évolution de ce savoir même. L'information peut donc ici se fabriquer et se modifier dans les processus mêmes de son enregistrement et de sa diffusion. Ces phénomènes n'ont d'ailleurs que récemment attiré l'attention des historiens [15].

Dans ce qui suit, je me limiterai à la fois à un bref "long terme" de quelques siècles, à l'aire occidentale, à la tradition savante et aux formes sociales et textuelles les plus générales --en particulier, je laisserai ici de côté, d'une part, les questions liées à l'enseignement élémentaire et aux nombreuses traditions pratiques, d'autre part, les niveaux d'analyse les plus fins de la présentation textuelle [16]--.




3 - Eléments pour une histoire des pratiques d'information dans les mathématiques occidentales modernes et contemporaines

Parmi les premiers livres occidentaux imprimés consacrés exclusivement aux mathématiques figurent : des bases de l'enseignement comme la Sphaera de Sacrobosco (Ferrare, 1472) ou le traité sur les proportions d'Albert de Saxe ; le grand classique de la tradition occidentale, les Éléments d'Euclide, qui est publié à Venise dès 1482 dans la version latine issue de sources arabes de Campanus ; des arithmétiques marchandes en langues vernaculaires (une anonyme publiée à Trévise en 1478, celle plus célèbre de Pietro Borghi à Venise en 1484) ; une compilation étendue des connaissances tant antiques que contemporaines, la Summa de arithmetica geometria proportioni et proportionalita de Luca Pacioli parue en 1494 [17]. Cette liste témoigne de la continuité des premiers imprimés mathématiques avec les différentes traditions manuscrites, en ce qui concerne en particulier les lieux de diffusion des mathématiques, l'université, les boutiques d'algorisme ou d'abaque où des mathématiciens professionnels connus donnaient aux marchands des consultations de comptabilité, assimilant et développant en particulier les connaissances numériques, voire algébriques, des pays islamiques. Les arithmétiques commerciales, qu'elles incluent ou non une partie algébrique, contribuèrent de manière décisive à l'implantation du calcul décimal écrit et connurent d'éclatants succès de librairie : Smith 1908/1970 mentionne ainsi 38 éditions du Rechnung auf der Linien und Federn, d'Adam Riese, entre 1522 et 1600.

À partir du XVIe siècle, sont aussi imprimées de nouvelles versions des mathématiciens antiques, issues cette fois de sources grecques ; les textes intégraux sont présentés, parfois traduits en latin et commentés. L'editio princeps des Éléments d'Euclide paraît ainsi à Bâle en 1533, sa traduction en latin par Commandino datant de 1572. Peu à peu, des éditions de Pappus, Apollonius, Archimède, Diophante, sont aussi disponibles. Les soucis philologiques des éditeurs les incitent à laisser intacte la structuration initiale des manuscrits, quitte à rassembler dans l'introduction ou les commentaires leurs propres recherches. Certaines polémiques opposent d'ailleurs les partisans du respect strict des textes et ceux qui s'en désintéressent au nom des mathématiques mêmes, de la clarté d'exposition ou du sens : Zamberti, qui a publié en 1505 une traduction latine des Eléments à partir de manuscrits grecs reproche à la version de Campanus ses ajouts et ses transformations ; d'autres reprocheront en retour à ces premières éditions hellénistes leur manque de compréhension des contenus techniques [18].

Si ces différents types de textes renvoient à des usages mathématiques différents, et donc potentiellement à des milieux distincts, les interférences sont nombreuses, lectures et méthodes se recoupant en partie, et dépendent tout autant des régions et de leurs stratifications sociales que des thèmes mathématiques. Certaines oeuvres en vernaculaire, destinées a priori à initier aux mathématiques un public de praticiens, ne connaissent une diffusion importante qu'après leur traduction en latin, ce qui représente de fait un changement de lectorat et d'utilisation [19].

Il importe de souligner que les classifications du savoir, comme genre, relèvent surtout de la philosophie [20] et circulent volontiers d'un texte mathématique à l'autre, dans les introductions par exemple, alors même que l'ordre réel de présentation de ces textes diffère largement. L'examen des variations dans les classifications utilisées est néanmoins intéressant, en ce qu'elles traduisent souvent des enjeux plus larges sur le statut de la discipline et la hiérarchie des sujets, en particulier celui des disciplines les plus pratiques. Exemplaire est ainsi le statut de l'algèbre, associée d'abord au commerce et placée de ce fait assez bas dans les classifications des sciences au début de la Renaissance, et qui ne conquerra que progressivement une place à part entière dans les disciplines théoriques, aux côtés de l'arithmétique ou de la géométrie [21]. En dehors de ces classifications formelles, qu'elles forment des traités autonomes ou qu'elles soient insérées dans les préfaces, d'autres processus de catégorisation sont à l'oeuvre, en particulier ceux qui organisent le corpus par rapport à un auteur antique : on trouve ainsi un genre "Euclide" ou un genre "Diophante" [22]. Sous cet habillage, comme je l'ai mentionné auparavant, les présentations matérielles et les contenus, par le jeu des commentaires et des réécritures multiples, peuvent d'ailleurs différer complètement.


3.1 La période moderne

Deux formes d'organisation prennent une ampleur nouvelle à la fin du XVIe siècle : les collèges, d'une part, les académies d'autre part.

Le développement de l'enseignement mathématique a surtout été examiné dans le cas des établissements pris en charge par les jésuites. Les mathématiques, comme discipline de la certitude, ont occupé une place privilégiée dans les schémas d'organisation jésuites ; des efforts spécifiques ont été consacrés à doter de prestige les branches mixtes, comme l'astronomie ou l'optique, quitte à restructurer les ouvrages sur ces thèmes selon le modèle des traités théoriques [23].

Quant aux académies, on les trouve bien sûr en Italie dès le début de la Renaissance. Des groupes, disséminés dans différentes villes, se réunissent de manière plus ou moins formelle et régulière pour discuter selon les cas d'art, de numismatique, des dernières démonstrations, pour essayer les expériences les plus remarquables ou pour consulter les livres scientifiques récents. Centrées d'abord autour d'un mécène de haut rang social, les académies changent progressivement d'organisation, tout en se spécialisant [24]. Une des premières académies toute entière consacrée aux mathématiques est celle réunie vers 1635 par un des plus célèbres animateurs des sciences exactes dans la première moitié du dix-septième siècle, le minime Marin Mersenne : autour de lui ou par lui communiquent et se rencontrent Descartes, les Pascal, Roberval, Frenicle de Bessy, Fermat, Carcavi, etc., jusqu'à une centaine de collaborateurs assidus. Voici le récit d'une séance telle qu'elle est décrite dans une lettre de Roberval à Fermat en 1637 :

"Quoique j'eusse reçu dès lundi dernier votre démonstration du lieu plan, néanmoins mes occupations, tant publiques que particulières ne me permirent point de la considérer jusques à jeudi que je la présentai de votre part à l'assemblée de nos mathématiciens, qui étoit, ce jour-là, chez M. de Montholon, Conseiller, où elle fut reçue, considérée, admirée avec étonnement des esprits, et votre nom élevé jusques au ciel, avec charge particulière à moi de vous remercier au nom de la Compagnie et vous prier de m'envoyer tout d'une main la composition du lieu solide avec une brève démonstration, afin de faire imprimer les deux ou sous votre nom ou sans nom, comme vous le voudrez : en quoi nous aurons le soin d'étendre plus ou long ce qui semblera trop concis pour le public. Cependant il y eut débat à qui auroit votre écrit pour en tirer copie, chacun m'enviant le bonheur de la communication que j'ai avec vous ; mais M. le président Pascal, à qui le premier je l'avois mis entre les mains et qui l'avoit lu à la Compagnie, donna arrêt en sa faveur, se fondant sur la maxime: qui tenet, teneat, et pourfaire droit aux parties intéressées, se chargea lui-même de leur en fournir copie, ordonnant que puis après l'original me seroit remis entre les mains. " [25]

Cette lettre résume clairement la manière dont les informations circulaient parmi les amateurs de mathématiques. Le rôle des académies y apparaît multiple : stimuler les recherches autour de thèmes communs ; valider les travaux effectués, à la fois scientifiquement par un examen collectif, et humainement par les louanges attribuées ; prendre en charge la diffusion plus large des informations, en particulier par l'imprimerie et par la copie des lettres.

Un autre élément est implicite, c'est la part dévolue à la correspondance. Les échanges épistolaires sont nombreux parmi les humanistes, échanges que doublent à l'occasion les informations orales du messager même. Mersenne rêve d'un projet plus formel encore, une "Académie par lettres" [26], qui permettrait aussi d'engranger dans un fonds commun les connaissances éparpillées dans des lieux éloignés. Pierre Fermat, qui est Conseiller au parlement de Toulouse, et dont la première lettre conservée est justement celle qui ouvre sa correspondance avec Mersenne, compte sur lui pour l'informer des traités mathématiques parus depuis cinq ou six ans; le mathématicien anglais Oughtred prend connaissance des travaux de l'Italien Cavalieri par un correspondant, alors qu'il ne parvient pas à trouver ses ouvrages [27].

A travers ces lettres qui voyagent souvent dans les bagages d'érudits ou de mathématiciens, chacun se plaignant du manque de fiabilité des postes, circulent aussi les nouvelles éditoriales : publier ou non, en combien d'exemplaires, auprès de quels libraires, en quel pays, dans quelle langue, avec une identification de l'auteur ou anonymement, autant de refrains permanents.

Le choix d'une publication anonyme est usuel ; ce sera la réponse empressée de Fermat à la question de Roberval sur les lieux plans. On sait aussi que Descartes publia sans nom d'auteur sa Géométrie, qui accompagnait le célèbre Discours de la Méthode. Il n'est pas toujours facile de déterminer dans ce comportement ce qui est dû à des raisons de danger objectif (Descartes se réfère au sort de Galilée), au désir de réserve publique de ces mathématiciens dont certains sont diplomates ou magistrats, ou aux idiosyncrasies. De toute façon, les soucis liés à l'édition restent nombreux et imposent une surveillance personnelle des différentes étapes, ou à la rigueur celle d'un ami très sûr ; lorsqu'en 1670, le fils de Fermat publie une nouvelle édition des Arithmétiques de Diophante, d'après celle de Bachet de Méziriac de 1621, mais augmentée des notes de son père, qui sont intégrées dans le texte, repérées par une graphie différente et la mention de leur provenance, les défectuosités variées du texte découragent les lecteurs. Les ouvrages mathématiques offrent d'ailleurs des difficultés typographiques spécifiques, les figures bien sûr, les divers symbolismes, et jusqu'à l'écriture des fractions dont les deux composants, dans un corps plus petit que le reste du texte, sont parfois illisibles.

Les textes imprimés restent de nature variée : les éditions fidèles ou réinterprétées des oeuvres antiques, en particulier les Euclide, demeurent nombreuses, ainsi que les compilations à partir d'extraits d'auteurs classiques ou modernes, entrecoupant les résultats d'exemples et d'explications, sans preuves détaillées. Sont aussi disponibles des traités de synthèse originaux, offrant un panorama complet des mathématiques, comme le Cours de mathématique de Pierre Hérigone en 1634, ou d'une de leurs branches, que ce soit l'algèbre ou l'art des fortifications. Les récréations mathématiques, autre genre en vogue, proposent sur divers sujets des problèmes aux énoncés amusants, des tours de cartes, des expériences divertissantes et désignent pour les mathématiques un public mondain, en harmonie avec celui qui envoie ses fils dans les collèges jésuites, ou fréquente les académies. On trouve enfin, autour d'une question particulière, des pamphlets, de petits fascicules, parfois liés à une polémique. Certains auteurs publient en recueil, sous leur forme originelle ou sous forme synthétique, des lettres consacrées à un même thème : Jacques de Billy compose ainsi un petit traité sur la résolution d'équations diophantiennes à partir des lettres que Pierre Fermat lui a adressées, traité publié en annexe de la réédition de Diophante de 1670 mentionnée plus haut. De nombreux ouvrages restèrent pourtant manuscrits, la difficulté et le coût des copies manuscrites en limitant encore le nombre en circulation. Les tirages ne sont pas négligeables pour des ouvrages techniques : il est question parfois de cinquante ou cent exemplaires d'auteur et tout au début du XVIIIe siècle, I'entourage de Malebranche étudie le coût d'impression d'un traité mathématique non élémentaire sur la base de 500 exemplaires. L'information sur les livres disponibles, toutes disciplines confondues, est aussi diffusée sous la forme de Traités des bibliothèques, organisés soit thématiquement, soit par ordre chronologique et alphabétique, comme le Traité des plus belles bibliothèques publiques et particulières du P. Louis Jacob en 1644. Selon Naudé, la bibliothèque de Mazarin contenait 3500 volumes "purement et absolument de mathématiques" -- elle fut ouverte au public par un avis dans la Gazette de France en 1644.

Une forme originale d'accès à l'information, et une incitation à la faire circuler, est le défi. On en a des traces bien antérieures, dès le XIIIe siècle par exemple, dans les cours princières. L'octroi de pensions ou le succès auprès de la clientèle pouvaient être liés à des réussites spectaculaires dans des joutes publiques : ne pas divulguer ses méthodes, mais les utiliser pour lancer un défi, garantissait alors l'exclusivité et le prestige souhaités. L'intérêt professionnel n'est plus le seul en cause au XVIIe siècle, où les participants peuvent être nobles d'épée ou de robe, médecins ou secrétaires d'un prince. Mais les défis restent un mode d'interaction fréquent : sont proposés à un interlocuteur ou un groupe d'interlocuteurs des problèmes à résoudre, dont la solution est déjà connue du questionneur. Fermat agit ainsi à propos de ce que nous appelons l'équation de Pell-Fermat, Pascal de la cycloïde. Etaient en jeu une somme d'argent parfois, ou une récompense en nature, mais surtout, au sein des réseaux académiques, la gloire, la preuve de l'efficacité de certaines techniques. C'est, nous raconte Adrien Baillet, le premier biographe de Descartes, devant une affiche annonçant un défi mathématique, en pleine rue à Breda, que Descartes fit la connaissance d'Isaac Beeckmann.

Plusieurs changements bien connus se produisent dans la deuxième moitié du siècle. Tout d'abord, certaines académies privées deviennent plus officielles : en Angleterre, d'abord, le groupe qui se réunissait au Gresham College hérite d'une charte et d'un appui royaux (sans financement) et prend le nom de Royal Society le 15 juillet 1662. Du côté français, à l'instigation de Colbert, l'Académie des Sciences est constituée en 1666, et inclut d'anciens membres du groupe de Mersenne tels Frenicle de Bessy ou Carcavi. Les comptes rendus des séances étaient écrits (à la main) sur des registres. Les réunions étaient bihebdomadaires, le mercredi pour les mathématiciens seuls, le samedi pour les mathématiciens et les physiciens (c'est-à-dire ceux qui s'occupaient de sciences naturelles et de médecine). Les Académiciens examinaient des travaux qu'on leur faisait parvenir, rédigeaient des rapports, et sur certaines questions pratiques, pouvaient décider d'enquêtes approfondies ; ils exerçaient aussi un contrôle décisif sur l'édition scientifique. Ces Académies et d'autres, à Berlin, à Saint-Pétersbourg, attirent les savants européens les plus réputés, et occupent au XVIIIe siècle une place prépondérante dans l'élaboration et la diffusion des mathématiques, en orchestrant par exemple la remise de Prix sur des questions spécifiques.

Une autre innovation est l'apparition des premiers journaux scientifiques, le Journal des Scavans en France en 1665, les Philosophical Transactions en Angleterre l'année suivante. Le Journal des Scavans publie des textes courts, lettres adressées à l'éditeur, nouvelles de l'étranger, récits d'expériences, comptes rendus d'ouvrages - l'Encyclopédie le décrira au siècle suivant comme un journal inventé pour "le confort de ceux qui sont trop occupés ou trop paresseux pour lire des livres entiers". Il s'agit de favoriser, par un traitement résumé, la circulation de l'information, et non, en principe au moins, d'enregistrer des informations originales. En fait, la distinction est parfois floue en ce qui concerne les mathématiques : il arrive qu'une lettre, intégralement reproduite, contienne la preuve d'un problème mathématique [28]. Outre la correspondance personnelle, les lettres destinées en fait à la publication rapide dans les différentes revues se multiplient [29]. D'autres journaux suivent, le plus célèbre étant sans doute les Acta Eruditorum sous l'impulsion de Leibniz. Les parutions sont périodiques, avec des interruptions et des irrégularités. La proportion de mathématiques (astronomie comprise) dans les Acta reste stable entre 1682 et 1700, occupant environ 15% des articles [30].

Le problème des traductions [31] mérite d'être mentionné. Les arithmétiques commerciales et beaucoup d'autres ouvrages pratiques sont le plus souvent écrites en langue vernaculaire et leur diffusion est locale ; on trouve couramment des versions identiques republiées dans des villes différentes, un phénomène qui touche tout autant les périodiques que les livres. Les publications de l'Académie des sciences ou celles de la Royal Society furent ainsi republiées, parfois sous une forme résumée, en allemand, en hollandais, en latin. Si les publications savantes bénéficient souvent d'une version latine, cette langue n'est pas nécessairement la première langue de parution : désir de toucher un public plus large ou en tout cas différent de celui des universitaires, promotion d'une langue nationale comme langue scientifique, choix de politique éditoriale, ces raisons ne se distinguent pas toujours aisément (Chartier et Corsi 1996). Dans certains cas, un remaniement important accompagne la traduction. Un cas spectaculaire, puisqu'il concerne non seulement deux publics ou deux milieux, mais deux civilisations, est celui de la traduction d'Euclide en chinois, lors des missions jésuites en Orient: dans les différentes étapes de la réception de ce texte, puis de son intégration à des travaux chinois, peuvent se lire les effets des rencontres de différents systèmes d'organisation et de valorisation des savoirs mathématiques [32].

En dehors des informations diffusées par le canal des journaux, sont aussi publiés différents recueils : des compilations de recherches scientifiques, par exemple les Mémoires de Mathématiques et de Physique tirés des registres de l'Académie Royale des Sciences, à partir de 1692 ; des dictionnaires de mathématiques comme celui de Jacques Ozanam en 1691 ; des bibliographies consacrées exclusivement aux mathématiques, telles celles de Beughem en 1688 ou celle de Murhard en 1797-8. Diverses encyclopédies témoignent aussi d'un effort de diffusion accru, une séparation plus marquée s'effectuant entre les ouvrages de popularisation et les publications mathématiques proprement dites. S'il était usuel de commencer un ouvrage mathématique par une liste chronologique des auteurs ayant contribué au développement du sujet, le genre historique s'autonomise lui aussi: l'Histoire des mathématiques, de Montucla, s'efforce ainsi de faire un bilan de l'ensemble des travaux importants de mathématiques depuis les origines connues jusqu'à l'époque de parution, 1799-1802.


3.2 L'époque contemporaine

Tout au long du XIXe siècle se mettent en place des formes d'accès à l'information mathématique, tant sociales qu'intellectuelles, qui perdurent dans leurs aspects majeurs jusqu'à aujourd'hui.

En premier lieu, la formation initiale prend une importance décisive. Sa longueur, son niveau technique s'accroissent, en particulier grâce à la création d'établissements soutenus par les différents états : des écoles d'ingénieurs civils ou militaires, l'Ecole centrale des arts et manufactures, l'Ecole polytechnique, ouvrent leurs portes en France ; de nouvelles universités sont fondées, à Berlin, à Londres, d'anciennes sont rénovées, telles celle de Cambridge. Ces centres constituent un passage presque obligé pour qui veut entreprendre une carrière scientifique ou se familiariser avec les mathématiques avancées : l'impossibilité pour Sophie Germain de recevoir en tant que femme la formation mathématique offerte aux Polytechniciens se retrouve dans la nature de ses erreurs à propos des surfaces élastiques [33]. L'accueil dans ces instituts d'étudiants étrangers renforce encore leur influence dans la diffusion des connaissances mathématiques. Les institutions les plus prestigieuses servent d'ailleurs de modèles lors des réformes éducatives qui ont lieu à cette époque dans de nombreux pays en Europe ou hors d'Europe : même si les conditions locales infléchissent le niveau de recrutement, l'étendue des programmes, le degré d'exposition aux méthodes et aux problèmes les plus avancés, le modèle originel imprime néanmoins sa marque, par exemple en suggérant des directions de recherche privilégiées --la géométrie descriptive et ses développements constituent ainsi un thème favori dans l'aire d'influence des écoles d'ingénieurs-- ou en favorisant la traduction des mêmes manuels [34].

Il faut à cet égard souligner que la majeure partie des mathématiciens de renom au XIXe siècle sont des enseignants et que la réflexion pédagogique peut occuper une place importante dans leur emploi du temps, à travers la rédaction de manuels ou tout simplement leurs notes de cours. Ces cours mêmes, en particulier en Allemagne, peuvent d'ailleurs fournir l'occasion de préciser, et de diffuser, leurs travaux de recherche. L'apparition des premiers séminaires consacrés aux mathématiques, tel celui de Ernst Kummer à l'université de Berlin dans la deuxième moitié du siècle, manifeste encore l'importance de la culture orale, cette fois à l'oeuvre dans un cadre institutionnel précis.

Parallèlement, dans la seconde moitié du siècle, apparaissent de nouvelles sociétés savantes, dont la base de recrutement est professionnelle, ou au moins para-professionnelle : la Société mathématique tchèque est fondée en 1864, la société britannique en 1865, française en 1872, américaine en 1888, bulgare en 1896. La vocation de ces sociétés est nationale, même si elles entretiennent des liens entre elles, en échangeant informations et publications, et même si la plupart acceptent des membres étrangers. Leur étendue sociale et scientifique dépend d'ailleurs de la situation des pays ou des régions. La Société mathématique de France a pour premier objectif "l'avancement des sciences et la propagation des études de mathématiques pures et appliquées. Elle y concourt par ses travaux et par la publication des mémoires de ses membres" [35]. Si plus de la moitié de ces membres ne produisent pas d'articles de recherche à proprement parler, la société est néanmoins centrée sur l'Ecole polytechnique, l'Ecole normale supérieure et les institutions périphériques. En Allemagne, au contraire, l'enseignement secondaire devient très vite un thème d'engagement important de la Deutsche Mathematiker-Vereinigung, ce qui reflète la participation massive des professeurs de ce niveau à cette société. D'autres associations se situent volontairement hors de la sphère d'activité des mathématiciens professionnels, comme l'Association pour l'avancement des sciences ou les sociétés de statistiques ou d'actuaires, qui visent d'autres milieux ou d'autres objectifs, ainsi que les associations liées à l'enseignement, en particulier dans les écoles d'ingénieurs. Des publications spécifiques sont attachées à ces associations : journaux de recherche, bulletin d'informations contenant des nouvelles professionnelles, annuaires de membres par exemple [36]. Ces sociétés savantes sont également responsables de l'organisation des premières rencontres internationales, en particulier les grands congrès internationaux de mathématiques, qui ont lieu tous les quatre ans et commencent à la fin du XIXe siècle.

Le début du XIXe siècle est aussi marqué par la parution régulière de journaux spécialisés en mathématiques, le premier, les Annales de Mathématiques Pures et Appliquées, édité par Joseph Gergonne, ne paraît qu'entre 1810 et 1831, mais d'autres prennent la relève, le Journal de Mathématiques Pures et Appliquées de Joseph Liouville en France, le Journal für die reine und angewandte Mathematik, lancé par August Leopold Crelle en 1826, en Allemagne. Ces journaux sont au début des initiatives personnelles et le rôle de leur éditeur est déterminant, tant pour la survie et la renommée du journal que pour son contenu mathématique. Crelle eut d'ailleurs des difficultés pour obtenir des soutiens financiers; comptant sur l'achat par l'État de deux cents exemplaires pour les écoles, il s'en vit accepter vingt... La parution semble avoir tourné autour de quelques centaines d'exemplaires. Les objectifs sont clairement définis dans la préface du premier numéro, en décembre 1825: "Les mathématiques sont aimées en Allemagne (...). Le journal doit se comporter librement en toutes circonstances et être général, comme la science elle-même. Il contribue à l'extension de la science en faisant connaître le neuf, par quoi on n'entend pas seulement de nouvelles propositions, mais aussi de nouvelles manières de considérer les anciennes... Il contribue à la diffusion de la science en répandant des choses moins connues, par exemple écrites dans une langue étrangère...". Crelle ajoute que les savants bénéficieront ainsi de meilleurs conseils sur leurs travaux que ceux qu'ils pourraient trouver dans leur environnement immédiat. Il s'agit donc d'une pratique d'informations orientée sur la recherche, dans une perspective internationale, mais aussi impersonnelle : l'époque où paraît le Journal coïncide d'ailleurs avec celle où sont abandonnées les réunions du petit cercle mathématique que Crelle avait organisé. Les journaux mathématiques de différents niveaux vont se multiplier vers la fin du siècle, certains attachés à un groupe, par exemple les enseignants et les élèves des écoles d'ingénieurs, d'autres à une société savante, comme mentionné ci-dessus, d'autres encore consacrés à la promotion d'une tendance spécifique en mathématiques, tel les Acta mathematica pour l'analyse ou Fundamenta Mathematicae pour la théorie des ensembles et la logique [37]. Il est intéressant de constater que se fait sentir ailleurs la nécessité d'accélérer la diffusion des travaux : toutes disciplines confondues, la Royal Society publie des résumés de ses séances à partir de 1831, suivie par les Comptes Rendus de l'Académie des Sciences six ans plus tard.

Cette nouvelle pratique de publications ne marque pas la fin des livres imprimés, bien au contraire. Pour fixer les idées, la production d'ouvrages mathématiques écrits en France et en français entre 1775 et 1824 a été estimée à 542 titres; I'édition de 1813 de la Théorie des fonctions analytiques de Lagrange, dont le contenu ne figure pourtant pas aux programmes des grandes écoles, est tirée à 1500 exemplaires; le très spécialisé Développements de la Géométrie de Dupin est édité à 800 exemplaires [38]. Les tirages témoignent d'une diffusion large, qui ne se limite pas aux seuls chercheurs. Pourtant, c'est par rapport à ceux-ci que vont s'ordonner les différentes formes de communication scientifique : articles pour spécialistes dans des revues, grands traités de différents niveaux, manuels d'enseignement, puis popularisation, les séparations se font plus nettes. L'utilisation différenciée des multiples canaux d'enregistrement, et de diffusion des résultats, devient d'ailleurs partie intégrante de la formation professionnelle. Les listes de publications des principaux mathématiciens de la deuxième moitié du siècle offrent de nombreux exemples de cette gestion des modes de diffusion disponibles : notes aux Comptes rendus de l'Académie des sciences pour une annonce rapide de résultats originaux, développements et preuves publiés dans une revue spécialisée, synthèses dans le bulletin d'une association professionnelle ou dans un traité [39].

Une tentative pour offrir un panorama global des travaux de recherche en cours est constituée par la parution, à partir de 1868, du Jahrbuch über die Fortschritte der Mathematik : ce recueil recense systématiquement, en les accompagnant de résumés parfois très détaillés, les articles et livres parus en mathématiques. La classification est principalement thématique, par grand domaines (y inclus l'histoire et la philosophie des mathématiques et la pédagogie, ainsi que la physique mathématique), avec des index par auteurs. Les résumés sont produits par un groupe de mathématiciens professionnels. Le Zentralblatt der Mathematik (1930), le Referativni Zhurnal (1935), les Mathematical Reviews (1940) viennent ensuite compléter, concurrencer, puis remplacer les Fortschritte, proposant à la fois d'autres points de vue sur la classification et sur les articles. Il existe également des compilations thématiques des ces résumés (par exemple tous les résumés d'articles de théorie des nombres sont rassemblés et publiés en volumes). Des enjeux politiques, liés ou non aux mathématiques, ont pu avoir une influence sur la création de nouveaux organes d'enregistrement des informations [40].

L'entreprise de classification, alors que se professionnalise par ailleurs le champ de la bibliométrie, est donc assumée par les mathématiciens eux-mêmes. D'autres efforts dans ce sens sont produits à l'initiative des sociétés savantes, en particulier la Société mathématique de France, dans le cadre de rencontres internationales ; en 1889 est ainsi élaboré, lors du Congrès international de bibliographie des sciences mathématiques, un Index du répertoire bibliographique des sciences mathématiques qui attache une numérotation alphanumérique aux différents sujets, selon un mode de classification-matières qui diffère de celui du Jahrbuch. La commission internationale chargée de l'élaboration de cet index souhaite son adoption systématique dans les différentes revues, afin d'unifier le repérage des articles, mais ce but ne sera pas atteint immédiatement. Cet intérêt pour la documentation mathématique se marque parallèlement par le développement des études d'érudition historique et les publications des oeuvres de mathématiciens de l'époque moderne, comme Fermat, Descartes ou Huygens [41].

D'autres efforts concernent la synthèse des résultats disponibles ; outre des rapports demandés par certaines sociétés savantes et qui paraissent sous forme d'articles dans les revues associées (tel le Jahresbericht der Deutschen Mathematischer-Vereinigung), plusieurs académies des sciences (Göttingen, Leipzig, Munich, Vienne) soutiennent un ambitieux projet encyclopédique, l'Encyclopädie der mathematischen Wissenschaften mit Einschluss ihrer Anwendungen, dont la parution s'étale entre 1897 et 1935 et qui fait le point sur les connaissances mathématiques de l'époque, à un niveau destiné aux chercheurs --l'adaptation française projetée a été interrompue par la première guerre mondiale--.

Les grands traits de ces formes d'accès à l'information sont restés stables jusqu'à une période récente. Les principaux changements concernent la taille des communautés touchées, le nombre des publications à traiter, la multiplication et la spécialisation des instances de diffusion, associations, colloques, séminaires de tous niveaux, journaux, imprimés. En 1973, la presse mathématique (en excluant toujours la popularisation et les livres élémentaires) comportait un million de titres, avec une parution approximative de 15.000 livres par an. En ce qui concerne les journaux, environ 40.000 articles sont dépouillés annuellement, répartis entre environ 1.500 périodiques [42]. Il existe bien sûr toutes sortes de dictionnaires et d'encyclopédies se situant à des niveaux variés, depuis le grand public jusqu'aux chercheurs professionnels en mathématiques.

Dans les milieux professionnels, une classification unique a finalement été adoptée, celle de l'American Mathematical Society (disponible par exemple dans chaque numéro de ses Notices) : elle est en usage internationalement, le nombre de ses rubriques croissant d'ailleurs régulièrement. Les mots-clés et l'indexation en général de chaque publication sont en principe choisis par l'auteur, au moins pour les revues les plus courantes.

Des formes plus originales d'organisation sont apparues plus récemment, en liaison avec le développement des moyens de reproduction, de l'informatique, puis des réseaux électroniques. La circulation rapide de l'information est assurée par les systèmes de prépublications, pour lesquels existent entre universités ou établissements de recherche des systèmes d'échanges. De nouveaux regroupements institutionnels par réseaux ont été mis en place. Outre l'utilisation du courrier électronique, en particulier pour la transmission des prépublications, il existe maintenant des banques de données sur le Web et des revues électroniques. Les compilations bibliographiques comme les Mathematical Reviews ou le Zentralblatt y sont également accessibles, ce qui rend possibles les recherches croisées par mots-clés. Le choix de ces mots-clés risque donc de devenir un travail crucial des années à venir.




4 Quelques questions

Le survol tenté ici visait surtout à indiquer la pertinence de récents travaux d'histoire des sciences pour l'étude de la documentation scientifique ; il suggère aussi quelques pistes de réflexion, à propos des pratiques futures de l'information, de la spécificité des mathématiques et des relations possibles entre histoire des mathématiques et étude de l'information scientifique.

Depuis la deuxième guerre mondiale en particulier, les mathématiques ont été mises en oeuvre dans de très nombreux domaines industriels, ou appliquées à des champs variés de la vie économique et technologique. Un enjeu de la documentation mathématique dans l'avenir est de rendre disponibles à ces nouveaux utilisateurs potentiels les outils dont ils pourraient se servir. La difficulté réside à la fois dans la polyvalence des méthodes mathématiques -- une même méthode peut être appliquée avec succès à des problèmes concrets différents -- et dans la multiplicité des approches mathématiques possibles sur un même problème : comment permettre de repérer ces potentialités sans recourir à un examen complet des résultats mathématiques, avec leurs hypothèses et leurs limites ? Comment établir les interfaces professionnelles et documentaires nécessaires [43] ? De manière plus générale, sont apparus récemment de nouveaux métiers mathématiques, liés par exemple à l'emploi de modèles mathématiques pour simuler différents phénomènes : l'organisation de leurs pratiques d'information doit répondre à d'autres besoins que celle des milieux plus restreints de la recherche universitaire. La spécialisation accrue, qui tend à accroître le vocabulaire technique ou, pire, la variation possible des sens d'un terme selon le contexte opératoire, ne pourra être fructueuse qu'accompagnée d'une gestion plus fine, transdisciplinaire, des outils d'information.

Plus apparente peut-être est la nécessité de s'adapter aux nouveaux médias. Un aspect peu commenté toutefois est le problème de la stabilité des informations sur ces supports électroniques (en particulier en réseau) : de nouvelles possibilités sont ainsi offertes pour prendre acte du caractère éphémère et renouvelable de nos connaissances, puisque les corrections permanentes sont devenues possibles. Qu'en est-il des nouveaux gestes de l'information ? Feuilleter une revue spécialisée dans son propre thème de travail, arpenter une bibliothèque, n'est pas la même chose qu'effectuer une recherche par mots-clés dans une banque de données. Quelle culture physique de la documentation se met-elle en place ?

D'autres interrogations concernent l'exercice mathématique lui-même. Qu'est-ce qu'un résultat mathématique ? Plus précisément, comment est choisi le découpage de l'information privilégiée, spontanément ou non, dans toute indexation, tout système de repérage, toute classification matière ? Quelle partie du texte mérite d'être retenue ? Les propositions, les méthodes employées, la gamme des objets étudiée, les modes de preuves, les hypothèses nécessaires ? Les mathématiques se prêtent à une grande fragmentation, nous en avons rencontré des exemples tout au long de ce texte : quand celle-ci peut-elle favoriser de nouveaux débouchés, de nouveaux genres, quand reste-t-elle stérile et redondante ?

Ces questions concernent en premier lieu les spécialistes de la documentation technique. Mais, comme l'ont illustré les pages précédentes, elles peuvent aussi concerner les historiens des mathématiques, dans la mesure où les réponses à des questions analogues ont pu avoir, dans le passé, des conséquences sur le travail mathématique lui-même. Le développement de l'histoire des mathématiques comme sujet de recherches à part entière et celui d'un travail conscient sur les pratiques d'information sont historiquement liés, nous l'avons indiqué, en partie créés par un objectif commun, la conservation des textes. L'évolution récente de la recherche historique incite à définir de nouveaux points de rencontre entre ces disciplines. Certains aspects des pratiques d'accès à l'information mathématique ont joué un rôle opératoire dans la recherche mathématique même, qu'il s'agisse de nouvelles institutions, de nouveaux genres textuels, de nouvelles routines du travail quotidien ou de nouvelles classifications du savoir. Dans certains cas, ces interactions ont été effectives au niveau individuel, plus souvent encore au niveau collectif. Préciser ces interférences entre procédures de repérage de l'information et création du savoir mathématique pourrait être la prochaine tâche commune de l'histoire des mathématiques et des sciences de l'information et de la documentation.




Notes

[1]
On trouvera des éléments de cette évolution retracés dans Cifoletti 1992. Son effet est par exemple manifeste dans Dickson 1921, où sont présentés tous les résultats connus à l'époque de parution sur les solutions en nombres entiers ou rationnels des équations : le degré de l'équation et le nombre de variables sont des critères de classement importants dans ce livre, ce qui oblige son auteur à distribuer dans différentes sections des résultats qui étaient regroupés dans les traités originels, comme les Arithmétiques de Diophante (IIIe siècle av. J. C.). Une étude détaillée sur la relation entre différents modes de classement et la lecture d'un texte mathématique se trouve dans Goldstein 1995.

[2]
Voir par exemple Brian 1995 pour une analyse détaillée des débuts de l'arithmétique politique en France au XVIIIe siècle.

[3]
Un résumé accessible, abondamment illustré, se trouve par exemple dans André-Leickman et Ziegler 1982.

[4]
Voir sur ces questions Green et Nissen 1987, Friberg 1989, Powell 1989. Le résumé présenté ici doit beaucoup à Ritter 1996.

[5]
Dans Ritter 1996 est explicitée l'interaction des critères liés à l'efficacité administrative et des contraintes mathématiques, en liaison avec des changements plus globaux dans la société mésopotamienne.

[6]
Différents exemples sont traités dans Asher 1981 et Gerdes 1995, où l'on trouvera également de nombreuses références.

[7]
D'où la tentation fréquente chez les historiens qui commentent les textes indiens de chercher à y retrouver des résultats standards implicites, voir Sarasvati Amma 1979, et une critique pour d'autres textes dans Plofker 1996. Cette situation, qu'il serait intéressant de comparer plus finement avec le point de vue de l'ethnomathématique, montre l'intérêt, pour un travail historique, de prendre au contraire au sérieux la forme même de la documentation mathématique à une époque ou dans un groupe donnés.

[8]
Voir des exemples d'instruments dans le catalogue de Bennett et Johnston 1996 ; des comptoirs à jetons sont visibles dans Smith 1908/1970.

[9]
La situation commence à changer, voir par exemple Michel 1992 et Nissen et al. 1994, ce qui nous permet au moins de percevoir à quel point ces documents sont importants pour une étude du traitement des informations mathématiques.

[10]
Les similarités entre traités mathématiques, médicaux ou divinatoires sont repérées et examinées dans Ritter 1990.

[11]
Voir par exemple Martzloff 1988.

[12]
Il existe plusieurs bibliographies consacrées aux diverses éditions d'Euclide, entre autres celles de Georges Kayas, Vingt-trois siècles de tradition euclidienne -- -Essai bibliographique, Ecole Polytechnique, Palaiseau, 1977 et de Max Steck, Bibliographia Euclideana, Gerstenberg Verlag, Hildesheim, 1981. Certains aspects spécifiques de la forme euclidienne ont également fait l'objet de diverses critiques, dont une des plus célèbres est sans doute celle de Ramus au XVIe siècle; on en trouvera aussi les références dans les bibliographies mentionnées.

[13]
Voir respectivement Vitrac 1990- et Chemla et Guo 1997 sur ces questions.

[14]
Une comparaison du fonctionnement des tables en Egypte et en Mésopotamie est proposée dans Ritter 1989. Dear 1995 contient plusieurs exemples de fabrication de tables mathématiques à la Renaissance. Leur usage en théorie des nombres au XIXe siècle est étudiée dans Echeverria 1992, voir aussi Goldstein 1995.

[15]
Voir par exemple Goldstein 1989 pour un examen comparatif de l'articulation de plusieurs niveaux, autour d'un résultat mathématique, à deux moments distincts. Karine Chemla a depuis plusieurs années mis l'accent sur l'importance de la relation entre pratiques d'organisation textuelle et travail mathématique ; pour des exemples de travail mathématique explicite à partir du dispositif textuel, voir en particulier Chemla 1995 et sa bibliographie. Il va de soi que les interactions ne sont pas constantes et qu'elles ne sont, dans la plupart des cas, ni conscientes ni explicitement opératoires. Je reviendrai sur cette question dans la conclusion.

[16]
A titre indicatif, on pourra combler certaines des lacunes de ce texte à propos des périodes plus anciennes ou d'aspects négligés en consultant les textes suivants et leurs bibliographies: Taton 1957-58, Juschkewitsch 1964, Nasr 1979, Berggren 1986, Martzloff 1988, Hay 1988, les numéros spéciaux de la revue Extrême-Orient, Extrême-Occident consacrés respectivement à la classification (10) et la liste (12), Benoit, Chemla, Ritter 1992, Cifoletti 1992, Rebstock 1992, Goldstein, Gray et Ritter 1996 (en particulier les bilans de Bernard Vitrac sur les textes mathématiques grecs et de Tony Lévy sur les mathématiques médiévales écrites en hébreu).

[17]
Une traduction anglaise commentée de l'arithmétique de Trévise, d'après Eugene Smith, est proposée dans Swetz 1987. On trouve aussi parmi ces incunables d'autres ouvrages contenant des informations mathématiques: des encyclopédies comme celle d'Isidore de Séville, des traités pratiques, par exemple militaires. Smith 1908/1970, consacré aux arithmétiques écrites avant 1601, reste pour cette période un instrument précieux pour connaître la présentation matérielle des éditions, leurs signes distinctifs et leurs contenus.

[18]
La fidélité aux sources n'exclut pas toujours la novation scientifique, même si celle-ci peut être plus difficile à détecter, voir par exemple Rose 1975. Moarse 1981 analyse le rapport des différentes versions de Diophante à ces positions et en montre les effets non seulement dans l'organisation globale des textes ou leur usage de symbolismes algébriques, mais aussi au niveau du travail de détail sur certaines propositions.

[19]
L'exemple d'Albert Dürer analysé dans Peiffer 1995 est de ce point de vue très éclairant, car il montre les contacts, à Nuremberg au moins, entre les milieux érudits et le monde des métiers de la peinture ou de l'architecture ; certains personnages, comme Regiomontanus dans ce cas, ont d'ailleurs joué un rôle important dans la diffusion des connaissances, par leurs déplacements propres à travers l'Europe ou par leur bibliothèque personnelle. Voir aussi Rose 1975 et Chartier et Corsi 1996 pour d'autres exemples.

[20]
C'est aussi le cas dans les pays d'Islam pendant la période médiévale, voir par exemple Rebstock 1992 ; les classifications du savoir en Europe occidentale sont d'ailleurs fortement liées à cette tradition.

[21]
Voir Cifoletti 1996.

[22]
Ce dernier apparaît surtout au XVIIe siècle. Voici quelques exemples: l'édition avec traduction latine et commentaires de Bachet de Méziriac est imprimé en 1621, Les Six livres d'algèbre (sic) de Diophante, écrits par Simon Stevin et Albert Girard, en 1634; le jésuite Jacques de Billy publie un Diophantus redivivus en 1660, une réédition de la version de Bachet augmentée de notes de Pierre Fermat est proposée par son fils, Samuel de Fermat en 1670.

[23]
Parmi les travaux récents consacrés à ce sujet, voir Krayer 1991, Giard 1995 et surtout Romano 1996 qui analyse à la fois les points de vue des jésuites romains, tout particulièrement le rôle décisif de Clavius, leurs mises en oeuvre successives en France, selon les possibilités institutionnelles offertes et les réseaux de diffusion constitués, et la production imprimée. La transformation textuelle nécessaire à la légitimation des mathématiques pratiques est étudiée dans Dear 1995. Les Oratoriens, autour de Nicolas Malebranche, joueront aussi un rôle important dans la diffusion des mathématiques en France après 1675, voir par Robinet 1960.

[24]
La référence classique sur les académies est Brown 1934, une synthèse récente est proposée dans Taton 1993. Hors des réunions académiques, existent aussi des conférences ouvertes à un plus large public, telles celles organisées dans le cadre du Bureau d'Adresses de Théophraste Renaudot, mais les mathématiques y occupent une place minime, voir Mazauric 1997.

[25]
Fermat, Oeuvres, vol. II, lettre de Roberval à Fermat du 4 avril 1637, p. 102-103. La ponctuation reproduit celle de l'édition des Oeuvres.

[26]
Mersenne, Correspondance, vol. V, Mersenne à Fabri de Peiresc, lettre du 15 juillet 1635, p. 301.

[27]
Lettre à Keyway, reproduite dans Augustus De Morgan, Contents of the Correspondence of Scientific Men of the Seventeenth Century, Oxford University Press, Oxford, 1862, p. 65.

[28]
Par exemple celle de Jacques Ozanam publiée le lundi 20 mai 1680 dans le Journal des Scavans dérive le Grand théorème de Fermat pour les puissances quatrièmes d'un autre résultat de Fermat.

[29]
Voir Peiffer et Blay 1997.

[30]
A titre indicatif, et suivant Kronick 1976, la proportion d'articles de théologie passe de 20 à 30%, celle de la philosophie de 15 à 25, celle de la médecine de 25 à 10. Cette liste de sujets indique assez que le mot "science" doit être pris dans un sens très large; on trouve également par exemple des récits de voyages, des questions de droit.

[31]
Il s'est posé dans de nombreux contextes, produisant d'importants effets de filtres dans la diffusion de l'information mathématique, voir par exemple Lévy 1996 pour les interfaces entre textes en hébreu, latin, arabe à l'époque médiévale et l'exemple de Dürer mentionné ci-dessus.

[32]
Voir les travaux de Peter Engelfriet, en particulier Engelfriet 1993 et sa thèse, Euclid in China, 1995, ainsi que Chemla 1996.

[33]
Sur cet exemple, voir Dahan 1987.

[34]
A titre indicatif, la liste des copies (plus ou moins fidèles) de l'Ecole polytechnique incluent West Point Military Academy aux Etats-Unis et la Escula de Ingenieros de Madrid, qui sont fondées en 1802, ainsi que l'Institut polytechnique de Prague, créé en 1806. Voir la troisième partie de Goldstein, Gray et Ritter 1996 pour des compléments, en particulier la liste des traductions et des adaptations des ouvrages de Lacroix ou d'autres textes fameux d'enseignement dans ces établissements, en grec, en allemand, en anglais, en polonais, qui permet de suivre pas à pas l'adoption de certaines conceptions de l'analyse dans les différents pays, ainsi que les résistances rencontrées.

[35]
Hélène Gispert a étudié de manière exhaustive les premières années de la Société mathématique de France, en construisant en particulier une banque de données sur ses membres et leurs publications, voir Gispert 1991. Pour une comparaison plus complète entre la Société mathématique de France et son homologue allemande la Deutsche Mathematiker-Vereinigung, voir Gispert et Tobies 1996, dont sont tirées les informations données ici.

[36]
Voir les articles de Ausejo et Hormigon 1993 et Goldstein, Gray et Ritter 1996 pour différents exemples.

[37]
Ce dernier exemple est discuté en détail dans Duda 1996. Les journaux mathématiques de toutes catégories ont attiré récemment l'attention des historiens, voir par exemple Ausejo et Hormigon 1993, Dhombres 1994 et Goldstein, Gray et Ritter 1996. Divers projets de conservation et de recensement de ces journaux existent par ailleurs, voir Dhombres 1994 et Ortiz 1996.

[38]
Ces renseignements sont tirés de Dhombres et Dhombres 1989.

[39]
Voir Goldstein 1994 pour le changement en France du rôle des Notes aux Comptes rendus avec la prise de conscience des nouvelles possibilités de publication. Des conseils explicites de Kummer à son élève Kronecker en matière de stratégie de publication sont mentionnés dans Goldstein 1989.

[40]
Voir l'analyse de Siegmund-Schultze 1993, qui montre à la fois les effets d'une conception des mathématiques et d'une conjoncture politique et institutionnelle précise sur la création du Zentralblatt.

[41]
Sur l'Index, voir Gispert 1991 et Saraiva 1997, qui montre également le rapport étroit entre l'intérêt historiographique et l'intérêt documentaire à cette époque. Les mêmes conceptions s'expriment dans les recherches d'histoire érudite et de bibliographie. Le livre de Dickson (Dickson 1919-1921) sur l'histoire de la théorie des nombres est tout à fait semblable dans son organisation et sa présentation au Jahrbuch über die Fortschritte der Mathematik. Les revues de bibliographie et d'histoire des mathématiques (celle de Gustav Enestrom, celle de Baldassare Boncompagni) apparaissent également à cette époque.

[42]
Voir Such et Pérol 1987 pour diverses données récentes, présentées par des spécialistes de la documentation scientifique.

[43]
La création en France, il y a une quinzaine d'années, de la Société de mathématiques appliquées et industrielles (et de son bulletin d'informations Matapli) est un exemple de réponse possible. La mise en place de commissions mixtes composées de scientifiques et de spécialistes de la documentation, par exemple des bibliothécaires, en est un autre.




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    © "Solaris", nº 4, Décembre 1997.