Revue SOLARIS Décembre 2000 / Janvier 2001 ISSN : 1265-4876 |
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Isabelle Rieusset-Lemarié
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Résumé
En permettant la reproduction d'une œuvre sur plusieurs médias, la numérisation menacerait la teneur de l'œuvre d'art qui met en jeu, comme le souligne W. Benjamin, la solidarité de son contenu et de sa forme mais aussi, fondamentalement, celle qu'elle entretient avec son support en tant qu'il participe de sa texture. Pour éviter l'écueil dualiste de la reproduction multimédia, l'enjeu de l'œuvre d'art serait de retrouver une nouvelle forme de teneur dans la relation qu'elle entretient avec sa texture numérique. On étudiera comment le travail sur la texture des images virtuelles prolonge le rôle de la texture dans les arts plastiques, en exacerbant la recherche de la "vie" de l'œuvre qui a traversé la quête du réalisme. On analysera en quoi l'ère de la reproduction numérisée peut apparaître comme la continuation, par d'autres moyens techniques, de la conception organique de l'œuvre, non sans l'ouvrir à la dialectique du vivant qui inscrit la potentialité, sinon de la mort, à tout le moins de l'altération du temps, source d'usure mais aussi d'évolution. On analysera en quoi cette inscription du temps dans la dynamique même de l'œuvre d'art, à l'ère de sa reproductibilité numérique, ressortit à l'esthétique de la dissémination en laquelle W. Benjamin voyait la mise en jeu la plus positive des techniques de reproduction. Enfin on examinera comment, dès lors que ce temps de l'œuvre d'art s'éprouve comme expérience du parcours dans la structure hypertextuelle du "World Wide Web",la texture numérique de l'œuvre peut s'actualiser comme "hypertexture". Mots-clés :teneur, texture, numérique, vie, œuvre, esthétique, dissémination, éphémère, temps, expérience, parcours, hypertexture, réseau, narration, "Web art".
Abstract As digitalization allows to reproduce a work of art on various media, it could threaten its tenor which involves, as underlined by W. Benjamin, the solidarity between content and form but as well, basically, the solidarity between the artwork and its medium as far as the medium is part of its texture. In order to avoid the dualistic incidence of multimedia reproduction, the work of art should find a new form of tenor in close relationship with its digital texture. We shall study how working on the texture of virtual images carries on the part of texture in plastic arts, in magnifying the search for a "living" artwork which has been for long at stake in the quest for realism. We shall analyze in which way the age of digitalized reproduction may appear as the continuation, through new technical tools, of the organic conception of artwork. But it opens this conception to the dialectics of life which introduces the potentiality, if not of death, at least of the action of time, a source of wear but of evolution as well. We shall analyze in which way this inscription of time in the proper dynamics of the artwork, in the age of its digital reproducibility, belongs to the aesthetics of dissemination in which W. Benjamin saw the most positive accomplishment of reproduction technics. Finally, we shall examine how the artwork's digital texture becomes "hypertexture", as far as the artwork's time is experienced through the pathes in the hypertextual structure of the "World Wide Web". Key words : tenor, texture, digital, life, artwork, aesthetics, dissemination, ephemereal, time, experience, path, hypertexture, net, narrative, "Web art" |
"Le contenu et la forme sont une même chose dans l'œuvre d'art : la teneur./.../La teneur est ce qui est éprouvé./.../L'artiste va à la conquête des teneurs"(Benjamin, 1988 : p. 171).
Si la narration, à l'inverse de l'information, relève, selon W. Benjamin (1936b), de la teneur, c'est que le narrateur n'est pas un support inerte extérieur à ce qu'il véhicule mais l'être vivant dans lequel se tisse l'expérience dont cette narration est la trace [3].
Au-delà de cette situation spécifique, ce qui relève de la teneur, et met donc en jeu la spécificité de l'œuvre d'art, repose sur cette relation organique par laquelle une forme signifiante s'incarne dans la matérialité d'une substance qui ne saurait être considérée comme un simple support inerte dans la mesure où elle participe au processus d'engendrement de cette forme. Cette qualité singulière nous interroge sur le rôle de la texture d'une œuvre d'art dans l'engendrement de sa forme.
Dans quelle mesure la texture numérique d'une œuvre d'art peut-elle devenir partie intégrante du processus d'engendrement de sa forme? La texture numérique de l'œuvre d'art relèverait dès lors de sa teneur. Elle ne serait plus un simple support permettant la reproduction d'une œuvre qui lui resterait étrangère.
On examinera dans quelle mesure, si l'on veut éviter l'écueil dualiste de la reproduction multimédia, l'enjeu de l'œuvre d'art est de retrouver une nouvelle forme de teneur dans la relation qu'elle entretient avec sa texture numérique elle-même. Pour être reproductible (ce qui met en cause les critères traditionnels par lesquels on définissait l'unicité de l'œuvre d'art [4]), ce nouveau type d'œuvres d'art tissées dans l'hypertexture des réseaux multimédias n'en met pas moins en jeu une nouvelle forme d'unicité, par la relation "organique" qui se crée dans la texture numérique. On analysera en quoi l'ère de la reproduction numérisée peut apparaître à ce titre comme la continuation, par d'autres moyens techniques, de la conception organique de l'œuvre à laquelle elle offre des modes d'actualisation privilégiés.
On étudiera dans quelle mesure le travail sur la texture des images virtuelles s'inscrit dans la continuité du rôle de la texture dans les arts plastiques, en exacerbant le désir qui a traversé la quête du réalisme : la recherche de la "vie" dans la facture même de l'œuvre.
On montrera ensuite que cette conception vitaliste de l'œuvre a tendance à s'ouvrir à la dialectique du vivant qui inscrit la potentialité, sinon de la mort, à tout le moins de l'altération du temps, source d'usure mais aussi d'évolution. On analysera en quoi cette inscription du temps dans la dynamique même de l'œuvre d'art, à l'ère de sa reproductibilité numérique, ressortit à l'esthétique de la dissémination en laquelle W. Benjamin voyait la mise en jeu la plus positive des techniques de reproduction.
Enfin on examinera comment, dès lors que ce temps de l'œuvre d'art s'éprouve comme expérience d'un parcours, la texture numérique peut s'actualiser comme hypertexture, par la mise en lien de parcours hypermédias et le développement des potentialités structurelles dynamiques du réseau.
La définition la plus forte de la texture, qui souligne sa fonction intrinsèque dans la composition même de la forme de l'œuvre d'art, de sa teneur, s'applique aux œuvres d'art dont la structure est tissée de fibres [5]. On est au plus près de l'origine étymologique de la "texture" qui vient du mot latin texere désignant l'action de tisser, et qui a été utilisée pour désigner les caractéristiques de la surface des objets tissés avant d'être appliquée à d'autres types de surfaces. Si cette valeur originelle de la texture est celle-là même qu'ont vocation à développer les œuvres d'art dont la texture est celle, réticulaire, de cette nouvelle forme de "toile" qu'est le "Web [6]", elle n'est souvent qu'une connotation dont l'articulation avec les autres sens n'est que peu exploitée dans les vocabulaires d'arts plastiques, même si ces derniers s'attachent soigneusement à la rappeler [7].
La plupart de ces lexiques spécialisés se fondent sur la double valence tactile ou visuelle de la texture. Si le "Viewer Guide to the gallery" rappelle que la texture est directement expérimentée par le sens du toucher, il observe que, le plus souvent, l'information quant à la texture d'un objet nous est donnée par la médiation de la vue. Il distingue dès lors très nettement ces deux modes d'expérience tactile ou visuel, de la texture. Cette dichotomie sensorielle est précisément ce que la technique de reproduction du cinéma aurait mis en question, selon W. Benjamin, en introduisant un élément tactile dans le visuel [8].
Cette hybridation synesthésique est encore plus développée dans la texture de l'image numérique qui ne devient visible sur l'écran de l'ordinateur que grâce à l'activation d'un hyperlien par le geste de l'usager, médiatisé par la "souris". L'"image actée" qui met en jeu, selon la définition de J.L. Weissberg (1999), "le chaînage du geste et de l'image", engendre le devenir visible de l'image par la mise en jeu de la dimension haptique [9]. Dans ce nouveau contexte numérique, la texture est la figuration tactile de l'interaction dans l'image. La sensation tactile à laquelle l'image numérique est associée n'est plus seulement celle de la surface qu'elle représente mais celle du geste qui lui a donné forme.
Cependant, même si l'application du terme de "texture" à la peinture conduit les vocabulaires d'arts plastiques à minorer sa perception tactile au profit de son mode d'expérience visuel, le caractère indirect de ce dernier met en jeu l'art du peintre qui cherche à suggérer une sensation tactile par la médiation d'une impression visuelle. En ce sens, la texture de nombreuses peintures est déjà la mise en œuvre de l'inscription d'un élément tactile dans le visuel. L'illusion de la perception tactile de l'objet représenté sur le tableau est garante de son "effet de réel".
La texture apparaît, à ce titre, comme un élément fondamental du code de la peinture figurative, en tant qu'elle vise à une représentation réaliste. Le "rendu réaliste" de la texture de la surface de l'objet représenté passe par le choix de la texture picturale et de la "touche" qui va permettre de donner l'illusion de la présence de la texture simulée. L'approche traditionnelle en arts plastiques exacerbe cette opposition en donnant deux définitions de la texture : la première désigne la texture de la surface réelle de l'œuvre d'art tandis que la seconde se réfère à la surface de l'objet représenté par le peintre [10]. Cependant, à l'écart de cette dichotomie, le peintre ne cesse de travailler la correspondance entre sa texture picturale et le "rendu réaliste" de la texture de l'objet ou de l'être vivant dont il tente de rendre la présence la plus réelle possible sur sa toile. L'exacerbation de cette quête figurative mimétique a été stigmatisée par E. Poe dans son conte "Le Portrait Ovale" (Poe, 1857) qui se termine lorsque le peintre, apposant la dernière touche sur sa toile s'écrie : "c'est la vie même!", avant de se retourner et de découvrir son modèle, morte, exsangue d'avoir été "vampirisée" par cette transsubstantiation picturale qui a emprunté la vie du modèle pour mieux animer le tableau. Cette histoire a valeur de mise en garde symbolique contre le fou désir du peintre figuratif qui prétend, non plus seulement imiter la nature, mais animer d'une vie réelle sa créature. Craig n'aura de cesse de dénoncer cette obsession de la vie qui hante le réalisme dans sa volonté mimétique de re-produire la nature [11].
Or, le rôle de la texture picturale dans le rendu de la texture représentée s'avère fondamental dans cette volonté de la peinture figurative d'animer de vie les êtres qu'elle représente. À l'inverse de cette tendance, la peinture abstraite, suivie en ce sens par le design, tendra à raréfier l'utilisation des textures, suspectes d'un effet réaliste à visée figurative, au profit de la couleur pure valorisée par Kandinsky comme l'essence même de la picturalité. Le site "Simple textures" note que les "designers" professionnels prolongent cette tendance, sur le Web, à l'inverse des "sites amateurs" qui usent et abusent des textures. Il l'explique par le fait qu'une quasi absence de texture rend la couleur reine et correspond en outre au principe fonctionnaliste d'une économie de moyens [12]. Si cette sobriété peut conférer une force esthétique, on peut s'interroger néanmoins sur cette "haine" des textures qui serait l'excès symétrique des fantasmes de la peinture figurative. Sous couvert de la haine du narratif et du représenté qui nuiraient à la recherche de la peinture "pure", via la "couleur pure", la tentation de négliger voire de haïr les textures recouvrirait une haine de la matière et duréel.
De ce point de vue, la texture se retrouve paradoxalement dépréciée sur le Web par deux écoles d'artistes opposées. Si les "designers" les évitent à cause de leur "excès de réel", certains artistes qui exacerbent la volonté d'animer leur œuvre de vie, fût-elle artificielle, critiquent ces mêmes textures comme étant trop superficielles pour leur permettre d'engendrer des formes "vivantes" et non pas seulement de reproduire, de façon imparfaite, leur apparence.
L'artiste J. Ventrella observe que la modélisation procédurale est apparue comme une approche neuve pour ceux qui étaient lassés par les sphères chromées ou par la configuration standardisée de la texture des légendaires "théières" en images de synthèse. Il témoigne de l'incidence de sa découverte de la croissance des biomorphes ou des processus d'auto-réplication mis en jeu par la programmation de la vie artificielle :
"Ces formes visuelles en perpétuelle évolution me parlaient de quelque chose dans le monde qui est plus profond que ce qui repose sur la surface optique (où les systèmes graphiques traditionnels des ordinateurs configurent la texture de polygones) [13]".La texture est dénoncée dans la mesure où elle se réduirait à une approche qui se limite à la surface. On verra, cependant, que certains chercheurs tentent de retravailler le rendu réaliste des surfaces en simulant par des algorithmes les processus internes propres à une matière ou à une substance qui interagit avec des forces externes. Le "rendu" de la texture numérique ne se limite pas dans ce cas à un travail sur la surface optique : il résulte d'une interaction avec le processus d'un objet en évolution. C'est cette dimension essentielle du processus qui apparaît fondamentale à certains puristes du "computer art", selon J. Ventrella, dans la mesure où elle correspond à une approche de l'ordinateur lui-même comme une machine engendrant des processus dynamiques. J. Ventrella partage cette nouvelle conception des ordinateurs :
"Selon le point de vue de certains artistes, la meilleure exploitation de l'ordinateur n'est pas celle d'un "super crayon", ni même celle d'une toile magique améliorée sur laquelle on pourrait peindre des images intelligentes. C'est une machine à processus. Ce dont il est question avec l'ordinateur, c'est le processus. /.../ Et il se comporte plus comme /.../un système vivant que comme un appareil photo ou un pinceau à air [14]".Cette conception "organique" de l'ordinateur, qui n'est plus considéré comme un simple outil, engage ces artistes à réapprofondir, sous une nouvelle forme, la conception organique de l'œuvre d'art elle-même :
"L'École américaine de l'"Action Painting" implique un art de l'action, du processus et de l'émergence. Le peintre s'engagerait dans un dialogue gestuel plein d'énergie avec la toile. Chaque coup de pinceau /.../ que le peintre a fait lui parle en retour /.../. L'itération continuelle de la vision évolutive du peintre, à mesure qu'il interagit avec la peinture et la toile, engendre une forme en croissance - une expression d'un processus, quelque chose d'émergent. Ceci peut aussi bien s'appliquer aux peintres qui utilisent une approche "automatiste" /.../dans laquelle /.../les formes émergent de façon semi-automatisée de la toile. Ces styles de peinture mettent l'accent sur l'organique, et elles mettent souvent au monde des formes biomorphes [15]".La conception organique de l'œuvre dans une nouvelle relation à la toile ("canvas") comme processus d'émergence des formes se prolonge de l'"Action Painting" aux artistes pour lesquels le "Web" est une nouvelle "toile" dont la structure dynamique des hyperliens, couplée à la médiation des ordinateurs, favorise ces processus d'émergence. Si Internet apparaît à J. Ventrella comme "l'espace le plus nouveau et le plus fascinant pour la propagation de la vie artificielle [16]", c'est parce qu'il perçoit ce réseau comme une structure organique : "cet organisme énorme, décentralisé, évolue autour de nous./.../ En tant qu'il est un réseau, il a ses propres propriétés d'émergence, comme un phénomène vivant. Kevin Kelleys le qualifie de "vivisystème" [17]".
On notera cependant qu'en employant l'expression de "propagation de la vie artificielle" sur Internet, J. Ventrella se fait l'écho de l'approche dominante de ce courant de recherche fondé par Langton (1989), qui conçoit la vie elle-même comme un message pouvant indifféremment se propager sur plusieurs types de supports [18]. J'ai analysé dans un ouvrage antérieur (Rieusset-Lemarié, 1999), dans quelle mesure cette conception, non seulement réduisait abusivement le biologique à un simple support qui resterait prétendument étranger à l'évolution de la vie, mais participait en outre de l'idéologie de la société de reproduction multimédia en exacerbant ce dualisme entre le message et le support qui le véhicule, au mépris de la teneur des entités qui ne relèvent pas de cette disjonction. Cependant, le paradoxe des recherches en Vie Artificielle est d'avoir développé, malgré ces principes erronés, une relation ténue entre le type d'organisation des automates cellulaires qu'elles ont créés et la "texture numérique" dont elles ont actualisé des potentialités de reproductibilité dynamique et d'organisation complexe sans précédent. Si le "discours officiel" continue à prétendre ne développer des formes de vie que comme des messages, indépendants de leurs supports, l'innovation de ces recherches approfondit au contraire les propriétés de la texture informatique programmable qui permet d'engendrer, non seulement des "agents autonomes" mais de véritables univers organisés. L'origine de ces innovations n'est pas tant, à ce titre, la biologie, même si de nombreux modèles de la VA sont construits par analogie sur les modes d'organisation du vivant, mais la tradition des automates, qui remonte à l'antiquité, et qui n'a cessé de se renouveler à l'apparition de chaque nouvelle technique [19]. Si un des devenirs les plus intéressants de la VA se développe en art, c'est non seulement à cause de la fascination pérenne des artistes face à la possibilité de voir s'animer de vie (fût-elle artificielle) leur créature, mais c'est aussi parce que les recherches menées dans la VA permettent d'entrer plus profondément dans l'exploration de la texture numérique et des potentialités de création auxquelles elle peut donner forme. Le désir artistique de faire une œuvre renforce cette relation organique à une texture avec laquelle on "dialogue" afin d'engendrer une forme.
Cette conception organique de l'œuvre d'art, loin d'être contemporaine de la Vie artificielle, remonte à l'antiquité puisque Socrate définissait déjà "l'œuvre d'art comme un être vivant [20]". Cependant il serait faux de croire que la métaphore biologique est le seul paradigme de l'organicité de l'œuvre. Si la complexité d'organisation du vivant fascine comme un des modèles les plus riches, l'origine de l'organikon, comme en témoigne son sens étymologique, a d'abord été technique (non sans désigner d'emblée, de façon privilégiée, les instruments de musique dont la teneur affecte le type de création que l'on produit grâce à eux), avant d'apparaître avec Aristote en politique [21], domaine qui ne saurait tenir pour négligeable les modes d'organisation qui permettent la cohérence d'un tout composé de multiples parties [22]. Si la métaphore biologique fascine de nombreux artistes, parmi lesquels J. Ventrella [23], c'est parce que le vivant met en jeu, de façon particulièrement manifeste, cette capacité d'organisation cohérente d'un "tout" qui excède la somme de ses parties. Appliquée à la conception de l'œuvre d'art, cette visée organique peut prendre des formes diverses, de l'insistance sur le rôle, classique, de la composition (qui n'est autre qu'un des sens donné à "texture" [24]) à des approches systémiques fonctionnalistes ou encore à la prééminence d'une métaphore vitaliste de l'œuvre. On peut voir dans le regain de cette conception l'incidence de la minoration de l'auteur au profit, non pas tant du spectateur, devenu co-auteur, que de l'œuvre elle-même, qui devient l'agent plus ou moins autonome d'un espace d'interaction visant à une expérience esthétique. Cette approche place l'œuvre à un niveau d'exigence qui interdit toute réduction de sa facture à celle d'un simple objet dont il suffirait de décorer la surface.
Le désir de J. Ventrellade concevoir son œuvre sous forme de "vie artificielle" le conduit à considérer comme insuffisant le travail sur les surfaces :
"L'information dynamique de la vie artificielle ne dépend pas tant du rendu de surfaces visuelles dans des espaces en 3D, mais elle met plutôt l'accent sur le processus interne, la croissance, les adaptations et les interactions de divers agents autonomes, incluant éventuellement une participation humaine./.../ Ce qui m'intéresse est de peindre les expressions de la réalité avec un autre pinceau que le type de ceux qui sont proposés dans les produits commerciaux de modélisation 3D et d'animation /.../. Ce qui m'intéresse c'est de composer des programmes d'ordinateur qui génèrent des systèmes dynamiques avec de nombreuses parties qui interagissent, en se développant comme la vie [25]".Le désir de re-produire la vie qui animait la quête de la peinture réaliste se rejoue avec de nouvelles techniques mais n'en prolonge pas moins la volonté de "peindre les expressions de la réalité". Mais le degré d'exigence de cette visée délaisse les configurations standardisées de textures impropres à rendre le caractère "vivant" de la réalité.
La standardisation est en effet l'écueil du développement des textures numériques, en particulier dans les nombreux sites ou "Bibliothèques de textures [26]" qui proposent aux internautes, souvent gratuitement, des textures de décors intérieurs (murs, papiers peints, parquets, etc..) et extérieurs (ciels, arbres, ...) ou de fonds d'écran (que ce soit pour la page bureau de l'ordinateur ou une page Web). La texture numérique, caractérisée par le nom de la surface qu'elle prétend représenter [27], est offerte comme un "ready made". Le travail d'une recherche de correspondance entre la texture numérique de l'image et la texture de la surface qu'elle tente d'imiter est non seulement opéré, en amont, antérieurement à toute création d'œuvre, mais est en outre présenté comme un simple outil technique, plus ou moins standardisé. Des "plug-in" comme "3D Texture Painter [28]" qui complète le logiciel Adobe Photoshop, permettent en revanche, non plus d'emprunter une texture numérique "toute faite", mais de peindre directement sur la surface d'un modèle en 3D. Cependant on a vu que des artistes, comme J. Ventrella, estiment que ce type de technique, limitée à une intervention sur la surface optique, ne leur permet pas de répondre à leur désir artistique de "peindre les expressions de la réalité".
Sans mettre en jeu une exigence artistique aussi radicale, des chercheurs dénoncent, au nom de la même recherche de réalisme, l'inadéquation des textures actuellement les plus employées, et tentent de poser les jalons des innovations techniques qui permettraient de simuler, non pas seulement l'apparence d'une surface réelle, mais la texture de son matériau en tant qu'il implique des processus qui interagissent avec des forces extérieures.
J. Dorsey et P. Hanrahan dénoncent le caractère trop "lissé" de ces textures :
"Mais les décors et les personnages créés numériquement dans des productions de ce type [comme Toy Story, le premier long métrage animé par ordinateurs] ont généralement un style caractéristique qui les éloignent de la réalité : tout est un peu trop lisse et parfait, un petit peu trop "propre", comme si cela avait été récemment moulé dans du plastique. Ce qui manque est la saleté et la poussière, les fissures et les striations /.../; une patine verte d'oxydation sur une statue de cuivre ; la face d'un antique sphinx de granit battue par les vents et incrustée de sel ; la finesse des tons de la peau humaine, à laquelle s'ajoute les taches de rousseur, les pores, les rides et un flux léger de sang vivant. L'équipe de Pixar qui a produit Toy Story 2 à la fin de l'année dernière, ajoute vraiment des effets dus à l'érosion du temps comme les éraflures et la saleté en peignant des motifs sur des surfaces, mais ce n'est qu'un procédé ad hoc et très coûteux en temps [29]".
Pour inscrire l'incidence de l'altération du temps sur les textures, J. Dorsey et P. Hanrahan estiment un travail en surface insuffisant. Ils veulent tenir compte de la réalité physique des textures qui révèle la nature de la surface comme une interface dont l'altération résulte de l'interaction de processus internes avec des forces extérieures. Retravailler le réalisme des textures numériques les conduit dès lors, non seulement à rendre compte des processus d'altération du temps qui affectent ces textures et leur ôtent ce caractère "lisse" irréel, mais à simuler ces processus et non pas seulement à tenter de reproduire l'apparence qui en résulte.
Ce type de démarche montre comment la quête du réalisme, poussée à sa limite, est conduite à inclure l'altération du temps, les phénomènes d'usure et de destruction, pour mieux reproduire l'évolution de la vie et les processus de la nature au lieu de les réduire à une apparence figée.
J. Dorsey et P. Hanrahan se sont intéressés en particulier, de ce point de vue, à la "patine numérique" :
"Certaines des apparences les plus riches dans le monde réel /.../ surgissent de processus physiques comme la corrosion, l'érosion, la croissance biologique et la sédimentation. La tendance d'un matériau à être altéré par des phénomènes temporels physiques est étroitement liée à sa structure. La pierre, le bois et le métal sont altérés différemment par les phénomènes temporels physiques en raison de la différence de leurs structures respectives. /.../ Nous avons récemment développé des modèles pour certains de ces processus qui affectent l'apparence, en identifiant d'abord le phénomène physique fondamental qui soustend un changement spécifique dans l'apparence et en développant ensuite les modèles informatiques appropriés [30]".Plus encore qu'avec la patine du cuivre, c'est avec l'érosion d'une statue de pierre (Le sphinx [31]) que J. Dorsey et P. Hanrahan ont approfondi des modèles et des processus qui sont, par nature, volumétriques, et ne sont pas seulement une altération de surface [32]. Leur recherche ne se contente plus de travailler l'apparence de la surface érodée mais la réaction du matériau à l'effet corrodant. On ne simule plus seulement l'apparence mais le processus interne de la matière en interaction : c'est l'hypertexture numérique réaliste de l'image. On est proche des sculptures végétales d'Ernest Pignon-Ernest en ce sens que l'image elle-même est traitée comme un matériau en évolution de par sa texture même.
Le caractère "vivant" n'est plus simplement travaillé par le "rendu réaliste" d'une apparence mais par la mise en œuvre d'une matière évolutive dont les capacités de métamorphose par interaction soustendent la dynamique de l'engendrement des formes.
En outre, on ne s'inscrit plus dans une visée réductrice positiviste de la nature et de la vie prétendant abstraire des éléments (des minéraux aux êtres vivants) de l'interaction avec un environnement qui les soumet à des facteurs d'usure et d'altération, sous couvert de les maintenir dans l'immuabilité illusoire d'une fixité inaltérable. L'œuvre d'art n'est plus présentée comme ce qui prétend défier l'usure du temps. Le temps, jusque dans sa dimension météorologique ("weather"), est intégré dans la texture numérique de l'objet de synthèse en tant que force agissante qui interagit avec les structures et modifie plastiquement les formes. La création d'une œuvre d'art dont l'évolution dépend de l'interaction de phénomènes météorologiques était déjà l'enjeu des "Jardins du hasard [33]". Cette œuvre d'art soumettait le développement de la Vie artificielle de ces feuilles à l'incidence aléatoire de phénomènes atmosphériques naturels, enregistrés sur une côte marine. Mais le champ de recherche exploré par J. Dorsey et P. Hanrahan vise à inscrire cette dimension érosive et transformatrice du temps au sein même de la texture numérique de ce qui n'est plus seulement une image mais une matière évolutive qui se transforme en fonction de ses propriétés structurelles spécifiques. Ces chercheurs soulignent non seulement le progrès que constitue ce type d'innovation technique dans la recherche du réalisme, mais également les potentialités qu'il ouvre pour les artistes :
"De tels modèles sont en train de devenir incroyablement réalistes. Une de leurs caractéristiques importantes est la modélisation explicite de la structure interne du matériau et de la simulation de la propagation de la lumière qui se dissémine sous sa surface. Une autre caractéristique est la modélisation du processus selon lequel la surface évolue en vieillissant par des phénomènes comme la corrosion, qui peuvent ajouter des couches d'oxydes irrégulières et aussi faire éclater des morceaux de la surface. Une possibilité particulièrement intéressante pour le futur serait une palette de logiciels permettant aux artistes de "peindre" des processus physiques de ce type, de la même manière qu'ils peuvent aujourd'hui appliquer sur l'écran de la peinture ou d'autres effets de couleur [34]".Avant même d'analyser les œuvres d'art qui pourront être réalisées dans l'avenir grâce à ces nouvelles techniques, on peut s'interroger sur l'incidence de cette précession d'une nouvelle technique par rapport aux œuvres d'arts auxquelles elle pourrait donner forme. Non seulement la création artistique peut sembler connaître un "retard" par rapport à ces avancées techniques qui seraient une invite à la création, mais on peut se demander si ce type d'innovations qui engendrent une nouvelle relation avec la forme et la texture, ne mettent pas déjà en jeu une démarche esthétique, sinon artistique. Cette "organicité" de l'œuvre, de sa texture interne, vient de l'innovation technique elle-même dont l'action se manifeste non pas comme une dimension purement "techniciste" mais comme une création qui se confronte directement à la dimension plastique. On peut se demander, dans ce contexte, si la technique serait en avance sur les artistes en ce qui concerne l'intérêt porté à la plasticité.
Dans quelle mesure le "label" d'un artiste qui se contenterait d'appliquer ces techniques mises au point par d'autres est-il nécessaire pour conférer le statut d'œuvre d'art aux formes qu'elles permettent d'engendrer? Même si ces nouvelles "palettes" permettent à des artistes de "peindre" des processus et non pas seulement des surfaces, dans quelle mesure ces artistes ne seront-ils pas conduits, comme J. Ventrella, à juger qu'une telle application ne relève pas de la création et à choisir, en revanche, de s'intéresser eux-mêmes à la recherche qui permet d'engendrer ce type de processus comme à la démarche dans laquelle réside la véritable part de création?
Si J. Dorsey et P. Hanrahan témoignent cependant d'une attente spécifique à l'égard des artistes, c'est précisément en tant que ceux-ci seraient susceptibles de dépasser la recherche mimétique de réalisme qui a fondé ce type de recherche, en permettant d'inventer des formes véritablement nouvelles et non plus, seulement, de les reproduire :
"En définitive, les modèles informatiques de matériaux pourraient même aider des designers à créer des apparences entièrement nouvelles - un accomplissement qui embellirait le monde au lieu de simplement l'imiter [35]".S'il n'est pas dit que les artistes, nourris par l'histoire de l'art contemporain, satisfassent à cette injonction, plus ou moins naïvement formulée, à "embellir le monde", la recherche du "beau" au travers de l'invention d'une forme pourrait cependant reprendre une pertinence nouvelle dans les arts numériques. Cependant, plus encore que la recherche de la beauté, c'est l'inscription du temps dans la texture même de l'œuvre qui tend à devenir l'enjeu prépondérant :
"Le problème de créer des modèles physiques de matériaux qui puissent incorporer les variations du temps ("time") est un important défi pour les graphistes numériques [36]".Cependant, pour être présent tant dans la recherche des scientifiques que des artistes, ce défi ne leur est pas forcément "commun". La relation non pas seulement à une image ou à un objet de synthèse mais à une œuvre engage une relation artistique spécifique au temps qui est non seulement partie prenante dans l'engendrement de cette œuvre et de sa texture mais qui est aussi ce que l'œuvre elle-même permet de disséminer. Cette "semence précieuse" qui est, pour W. Benjamin, le temps lui-même [37] et qui ne peut être délivrée que lorsque la gangue dans laquelle elle était enfermée éclate, est bien l'enjeu de cette esthétique de la dissémination, de la Zerstreuung [38], qui est à la mesure de la transformation radicale de l'œuvre à l'ère de sa reproductibilité technique. En effet, si les techniques de reproduction tendent à faire éclater la "Hülle", terme que l'on a traduit par "aura" mais qui désigne aussi l'enveloppe des fruits [39], il faut une mise en œuvre esthétique pour que de cet éclatement surgisse la possibilité de transmettre la semence du temps dans le terrain fertile de l'expérience. La relation des techniques de reproduction au temps n'est pas déterministe puisque, selon le type d'utilisation ou de mise en œuvre que l'on en fait, elles conduisent, nous rappelle W. Benjamin à différents moments essentiels de son œuvre [40], à menacer ou, au contraire, à raviver, la possibilité de la dissémination du temps comme cette dimension qui n'engendre du nouveau que parce qu'elle implique son incorporation dans des agents de transmission qui sont, par nature, éphémères [41], parce qu'ils sont tissés dans la texture du temps.
L'inscription de cette puissance d'altération du temps, qui induit la possibilité de multiples évolutions, mais aussi de la disparition, renforce la possibilité de l'œuvre de transmettre cette esthétique de la dissémination.
Si l'approche de la Vie Artificielle fascine certains artistes comme J. Ventrella, c'est qu'elle permet d'appréhender la texture numérique elle-même comme semence : "La récursion signifie que vous pouvez composer artistiquement une semence de quelques nombres, une équation, une transformation géométrique, un motif musical et un environnement à l'intérieur duquel cette semence peut être redessinée, dans une tentative de créer des formes et des mouvements de croissance plus intéressants ou plus expressifs [42]". Cependant la récursion [43] n'est pas le seul mode par lequel l'artiste fait de l'œuvre engendrée avec l'ordinateur le vecteur dynamique d'une esthétique de la dissémination.
Une des voies explorées de façon privilégiée dans les œuvres du "Web art", dont la texture est celle, numérique, d'Internet, se fonde sur une esthétique de l'éphémère qui accentue la relation de l'esthétique de la dissémination à la dimension du temps, en tant que s'y profile la possibilité de la mort comme un élément intrinsèque à la singularité mobile de la teneur.
Le renouvellement de la conception "organique" de l'œuvre ouvre le modèle "vitaliste" à l'inscription, non seulement de l'érosion, mais de la mortalité, dans la texture même de l'œuvre numérique [44].
La spécificité du projet "OFF Line [45]" est d'avoir inscrit la mort de l'œuvre dans la texture interactive du réseau qui permet aux internautes d'agir sur la disparition de l'œuvre, dont le corollaire symbolique serait la disparition de l'existence virtuelle de l'auteur. Non seulement l'auteur s'abîmerait dans l'engendrement de l'œuvre au point d'y disparaître pour mieux "faire corps" avec elle, mais il serait soumis au mouvement de sa disparition, analysé par M. Blanchot (1955), qui serait rendu plus tangible par ce dispositif d'effacement de l'œuvre en ligne. Le transfert du créateur dans son œuvre ne serait plus tentative d'échapper au temps mais exploration d'une autre forme d'incarnation du temps, dans la texture éphémère de l'œuvre.
Ces nouveaux modes d'inscription de l'éphémère au sein de la texture numérique de l'œuvre transforment le fondement même de l'art éphémère, en tant qu'il ne pouvait s'actualiser que dans le "hic et nunc". Les performances du Land art ont certes été soumises à cette technique de reproduction audiovisuelle qu'est la télévision. Cependant, ce qui est enregistré dans ce cas n'est pas l'œuvre d'art elle-même, ni même son empreinte, mais seulement l'indice mémoriel de son avoir lieu éphémère. Le caractère intrinsèquement éphémère de ce type d'œuvres d'art ne résiste pas à son enregistrement télévisuel qui n'archive pas l'œuvre elle-même et n'intervient que comme un document sur les conditions de son apparition et de sa disparition. En tant qu'elles se présentent comme une technique d'enregistrement fondamentalement étrangère à la nature même de l'œuvre, ce type de techniques de reproduction reste extrinsèque à la texture spécifique des œuvres d'art éphémères. Le "hic et nunc" éphémère de ces œuvres reste irréductible à ce type de reproductibilité technique. Contrairement à ce que suggère J. Fleury, l'éphémère n'est pas reproductible par "l'enregistrement [46]" et si la télévision peut transmettre le caractère éphémère d'une œuvre, c'est par le temps du "direct" et non pas par sa capacité d'enregistrement qui la transforme en un "média de stock [47]".
Toute autre est en revanche la relation qu'entretient une œuvre d'art éphémère avec la texture numérique d'Internet. Internet n'est plus le lieu de l'enregistrement de cette œuvre. Il n'est plus même seulement son espace d'exposition. Internet est la texture numérique même en laquelle cette œuvre s'engendre et meurt. Dès lors, ce qui s'inaugure avec ce type de texture, c'est la possibilité pour une œuvre d'art éphémère de s'inscrire dans le devenir de sa reproductibilité numérique. L'unicité de l'œuvre, déterminée par la relation spécifique qu'elle entretient avec la texture de ce qui n'est pas seulement son "support", n'est plus irréductible à la reproductibilité technique non plus que son caractère éphémère, qui exacerbe sa singularité, dès lors que cette technique de reproduction participe de la texture numérique de l'œuvre. L'unicité de l'œuvre d'art, y compris sous la forme la plus fragile de l'éphémère qui semblait la plus irréductible à toute forme de reproductibilité technique, trouve une forme d'accomplissement nouvelle dans l'ère de la reproduction numérique.
Cependant, l'approfondissement de cette relation privilégiée entre la texture numérique et l'éphémère conduit d'autres artistes, comme Sawad Brooks, à s'interroger sur le caractère problématique du devenir de la trace dans ce nouveau contexte. Dès lors que le mode d'inscription de la trace sur une texture numérique ne consiste plus à inciser un support, l'effacement de cette trace ne laisserait plus même la marque de cette incision. Ce qui serait en péril serait la trace de l'effacement de la trace. Dès lors Sawad Brooks envisage sa démarche d'artiste comme la mise en œuvre de dispositifs qui conjurent cet écueil limite de l'effacement de l'effacement ("erasure of erasure[48]"), pour recréer des effets de palimpsestes.
Grâce aux innovations techniques en matière de texture on peut travailler cet effet de palimpseste qui permet différents modes d'apparition et de disparition des signes tout en jouant sur différentes couches du document numérique considéré, non plus comme une simple surface mais comme un feuilleté de surimpressions. Le travail plastique sur le filigrane [49] (cf. "Simple textures") est une des formes minimales de cette mise en jeu de la texture numérique comme un réseau de mémoire qui articule différentes couches et qui permet de jouer sur leur devenir visible ou invisible.
Ainsi, le jeu sur l'effacement apparaît comme un choix possible et non plus comme une contrainte technique déterministe du support. John Tolva suggère en particulier comment, en travaillant la couleur des traces et la façon dont elles apparaissent ou disparaissent sur la texture du fond, on peut obtenir un effet d'effacement radical dans l'œuvre d'art "The mola web [50]".
Cependant, la démarche artistique du "mola web" joue, plus encore que des textures de fond d'écran, de "l'hypertexture" du World Wide Web dont elle rend tangible la structuration tissée par les hyperliens.
L'œuvre d'art du "mola web" réveille à un double titre la valeur étymologique de la texture [51] qui désigne une structure tissée. En effet, la référence au "mola" (terme qui désigne les œuvres d'art textile créées par les femmes kuna au Panama [52]) soustend la démarche artistique de cette œuvre qui vise à rendre tangible la structure hypertextuelle de la toile du Web. Chaque mot du "mola text" est un hyperlien sur lequel on peut cliquer; mais on peut également explorer cet hypertexte en cliquant sur la carte [53] qui représente des motifs géométriques, aux formes labyrinthiques, inspirés de la tradition des mola.
Si les auteurs [54] du "mola web" s'inspirent de ces créations textiles dans leur propre travail artistique sur la texture numérique hypertextuelle d'Internet, ils rappellent qu'une des interprétations de l'origine des mola ferait remonter cette tradition aux motifs dont les femmes kuna auraient couvert leur buste, avant de transférer ces motifs sur le tissu de vêtements. Cette origine des mola, possible mais non attestée [55], suscite l'intérêt de ces artistes parce qu'elle met en jeu le transfert d'un support à un autre tout en prolongeant la relation symbolique particulière à la texture de la peau, qui ne saurait être considérée comme un support inerte [56]. Ce qui est en jeu c'est la possibilité d'inscrire la reproduction "multi-médias" d'une œuvre dans une démarche qui, loin de réduire ces différents médias à des supports inertes, en travaillerait la teneur.
Si des mesures se développent pour lutter contre les reproductions et les contrefaçons des mola, ce n'est pas pour des motifs exclusivement économiques ressortissant à la protection des droits d'auteur [57], c'est aussi parce que le mola n'est pas seulement une image mais, plus fondamentalement, une image qui entretient une relation privilégiée avec la texture sur laquelle elle est appliquée avec une technique particulière [58]. Les couleurs du mola sont obtenues par la superposition de plusieurs couches de tissus. Le motif coloré n'est donc pas seulement un motif décoratif apposé sur une surface : il est la résultante visible de l'interaction de différentes couches de textures dont les plus profondes participent également à l'émergence d'une couleur, en surface. L'application du terme de "décoratif [59]" pour cette forme d'art peut apparaître problématique à ce titre, en ce sens qu'il ne s'agit pas tant de masquer un support par une image qui le décore que d'en travailler la teneur par l'articulation des différentes couches qui en constituent la texture.
La démarche des auteurs du "mola web", même si elle ne s'inscrit pas directement dans la tradition des mola, peut donc en revendiquer l'inspiration dans la mesure où l'enjeu de cette œuvre d'art est bien de travailler la texture même de la structure hypertextuelle. John Tolva note que par son travail de spatialisation des liens hypertextuels, cette œuvre peut être considérée comme une pièce d'art visuel. Mais il précise : "il y a plus que de la forme spatiale dans ce projet. Le mola web est l'hypertexte poussé à sa logique extrême -- l'exhaustivité de la mise en lien -- et à ce point extrême nous découvrons que, parmi les enchevêtrements du discours, des motifs visuels surgissent distinctement à la surface. [60]"
Il ne s'agit donc pas seulement d'associer la structure hypertextuelle à une forme spatiale visualisable mais de faire émerger les formes mêmes de cette "hypertexture" sous un mode visuel.
Nous définissons par ce terme d' "hypertexture" la mise au jour de la structuration hypertextuelle du "World Wide Web" comme une texture spécifique fondée sur le réseau des hyperliens. Dans ce sens particulier, l'"hypertexture" désigne l'appréhension des liens que tisse un hypertexte comme une texture numérique spécifique. Cette "hypertexture" est l'enjeu des œuvres du "Web art" qui tentent, comme le "mola web", non seulement de visualiser la structure hypertextuelle du Web mais, plus encore, de la rendre perceptible comme une texture particulière. Cette "hypertexture" est texture par excellence en ce sens qu'elle réveille l'incidence complexe de la structure tissée du texte [61] que permet d'exacerber la configuration hypertextuelle de ces liens sur un réseau informatique. Mais la perception de cette incidence est souvent occultée par l'usage des liens hypertextuels. Dès lors il s'agit pour les artistes, comme McLuhan (1973) l'avait souligné, de réveiller la conscience des usagers "engourdie" par la banalisation de l'usage de ce média, pour leur faire percevoir l'incidence de la transformation que ce média opère, en tant que tel, sur leur propre perception. L'enjeu artistique est de réveiller la mémoire du média en sortant de l'engourdissement où nous plonge son usage pour redécouvrir sa teneur.
Dans l'œuvre du Shredder [62], la teneur de l'"hypertexture" du Web est travaillée par un système de correspondances entre les pages Web et une texture visuelle. Le dispositif de cette œuvre permet d'accéder, par son adresse url, à n'importe quel site du World Wide Web. Lorsque la connexion avec ce site est établie, on voit se transformer progressivement la page d'accueil en une configuration plastique colorée qui laisse deviner des figures inspirées de lettres, mais qui n'est plus un texte déchiffrable. La page Web se transforme en un espace d'engendrement de formes visuelles, parfois accompagnées d'une musique. Les sites familiers se donnent à voir à l'internaute sous un nouveau jour. Cette œuvre du "Web art", à la différence du "mola Web",confère une forme spatiale visualisable à une page web plutôt qu'elle ne fait émerger les formes mêmes de l'"hypertexture" qui soustend l'architecture des liens. Cependant, par ce détournement artistique du codage de l'affichage de la page, elle travaille sa texture comme une surimpression de couches en donnant l'impression que des couleurs émergent à la surface en modifiant la texture de la page. C'est une forme d'érosion qui altère la surface en lui conférant une "patine multimédia" qui transforme la texture d'une page web. Si cette œuvre joue de "l'hypertexture" du World Wide Web, c'est en tant qu'elle détourne la capacité exploratoire du réseau : ce n'est plus un moteur de recherches permettant d'accéder à des informations mais un instrument dont le clavier permet d'utiliser l'hypertexture du Web pour entendre jouer des musiques et voir apparaître des peintures. L'interface du "World Wide Web" n'est plus instrumentalisée à des fins d'information mais exposée sous la forme plastique d'une œuvre.
Dans le "mola web", cette démarche se traduit, comme le souligne John Tolva [63], par la posture du destinataire de l'œuvre mis en situation de percevoir cette structure hypertextuelle en elle-même et non pas seulement de regarder à travers elle, en ne prêtant attention ni à sa médiation comme interface ni à sa structure. Le parcours hypertextuel n'est plus seulement dans cette œuvre ce que l'on emprunte sans y penser mais ce qui invite à une attention particulière. Le "mola web" utilise, pour ce faire, le code de coloration des hyperliens des navigateurs qui permet de distinguer les parcours que l'on a déjà empruntés de ceux que l'on n'a pas encore explorés. Sur Netscape les hyperliens sur lesquels on n'a pas encore cliqués sont bleus, tandis que ceux que l'on a déjà activés sont violets ; en outre, lorsque l'on interagit tactilement avec la souris sur un hyperlien, celui-ci se colore en rouge. Ce système de couleur, qui est habituellement déchiffré comme une information, appelle dans cette œuvre un autre regard, comme le souligne John Tolva:
"Au bout d'un moment le lecteur/spectateur recherche activement le bleu (non encore visité) exactement comme un critique d'art scrute l'œuvre avec attention pour découvrir de nouveaux éléments, des textures ou des couleurs dans un tableau ou dans une sculpture [64]".Cependant, ce jeu plastique des couleurs et de la texture est associé, dans ce contexte, à la visualisation des parcours du lecteur dans cette œuvre hypertextuelle. Le parcours est l'objet même de l'expérience de l'œuvre. L'enjeu de cette esthétique du parcours n'est pas tant fondé sur la perception plastique de couleurs que sur la dimension de l'expérience comme parcours. Ce qui est soumis à l'attention, c'est l'hypertexture du mola Web en tant qu'elle se fonde sur l'expérience du parcours. On retrouve, même si c'est sous une forme plus mineure, cette valorisation de l'Erfarhung, soit le terme allemand (traduit par expérience) dont W. Benjamin n'a cessé de réveiller le sens étymologique qui lie cette notion à celle de parcours [65]. Or, le parcours de l'expérience ne met pas seulement en jeu l'espace mais le temps. Comme le souligne John Tolva, "le changement de couleur dans le mola indique la progression temporelle du lecteur [66]".
Dans la visée benjaminienne, l'enjeu plus radical serait, non pas seulement l'expérience temporelle du parcours, mais le renouvellement de la possibilité de transmettre le temps comme expérience. De ce point de vue, l'esthétique du parcours est liée à l'esthétique de la teneur par le biais de l'expérience. Se transmet comme expérience ce qui ne se contente pas d'emprunter un agent extérieur qui le véhicule. Le parcours n'est plus ce que l'on emprunte mais ce qui vous traverse comme une expérience. Le parcours du temps doit "s'incarner" dans une teneur pour se transmettre comme expérience : tel est l'enjeu d'une esthétique de la dissémination qui permette aux techniques de reproduction d'éviter l'écueil d'un temps réifié et de réveiller la puissance de métamorphose du temps, source de nouveauté.
Cette visée benjaminienne qui articule la valorisation de l'expérience comme parcours (Erfarhung) à une esthétique de la dissémination permettant de libérer la semence du temps, se retrouve au cur de l'œuvre d'art de Sawad Brooks et Beth Stryker, "DissemiNETion [67]".
La présentation de cette œuvre, dans l'exposition "Shok of the View" mise en ligne sur le site du musée "Walker Art Center", insiste d'emblée sur ce geste centrifuge d'éparpillement de la semence auquel renvoie la définition de la dissémination [68]. Les auteurs décrivent leur œuvre en ces termes :
"En traçant des parallèles entre les diasporas et la dispersion de la signification sur le web, DissemiNET fournit en réponse des espaces (lacunae) aux gens pour se rappeler et rassembler leurs souvenirs, en les recueillant pour raconter de nouveau des histoires sur leurs propres expériences du déplacement et de la dispersion. Avec le temps, DissemiNET devient une collection de ces histoires d'errance [69]".La Zerstreuung, terme qui caractérise le type d'esthétique dont W. Benjamin valorise l'incidence à l'ère de la reproductibilité technique, se retrouve convoquée dans cette œuvre dans le double sens que prend ce mot en allemand qui désigne non seulement la dissémination mais la diaspora [70]. Le mouvement de dispersion renforce, comme chez Benjamin, le désir de transmettre la mémoire comme l'expérience d'un parcours sous la forme d'une narration (Benjamin, 1936b). Mais le parcours n'est plus, dans cette perspective, ce qui s'efface au profit du point où il vous conduit mais plutôt l'expérience de ce mouvement de dissémination qui vous éloigne toujours plus de l'origine, non sans vous exposer au risque de l'errance. La mise en réseau des récits de cette errance permet la transmission de cette expérience comme une semence qui fertilise l'espace collaboratif de DissemiNet. Celui-ci tisse, grâce au Web, le réseau qui articule l'ensemble de ces histoires. Par ce fonctionnement, "DissemiNET" évoque le travail de la "muse de la narration /.../ qui nouerait [selon W. Benjamin] le filet que forment en fin de compte toutes les histoires rassemblées" (Benjamin, 1936b : p. 219). Toutefois, les auteurs de "DissemiNETion" prennent soin que ce rassemblement d'histoires n'équivaille pas à la pétrification d'un archivage centralisé s'opposant à la dynamique du parcours qui fonde la possibilité de la transmission de ces histoires comme expérience. "DissemiNet" met en œuvre la teneur de l'hypertexture du Web en tant qu'elle permet d'inscrire la mise en lien dans la dynamique de la dissémination. Pour ce faire, l'internaute peut naviguer dans l'image de ce faisceau divergent constitué par les branches de multiples parcours sur lesquelles apparaissent des mots-clés qui permettent de bifurquer sur d'autres embranchements, en créant des chemins de traverses vers d'autres histoires [71] qui invitent à poursuivre l'exploration.
Par cette mise en jeu indissociable du parcours et de la narration, "DissemiNET" s'inscrit dans la tendance des œuvres du "Web Art" à inclure des récits dont la structure permet d'explorer les potentialités des parcours hypertextuels. La valorisation du parcours dans les récits interactifs fait apparaître ces derniers comme un des modes d'exploration privilégiés de l'hypertexture du Web. C'est à ce titre que cette veine narrative se développe, non seulement dans les récits interactifs proprement dits, mais également dans des créations qui ne se présentent pas comme des œuvres littéraires mais comme des œuvres du "Web art" pour lesquelles les embranchements de ces récits constituent un temps fort dans leur démarche de réflexion sur l'enjeu des parcours hypertextuels.
Dans la galerie virtuelle dont le "fronton" revendique "The Web as Art /The Art as Web [72]", on peut ainsi visiter plusieurs œuvres qui se révèlent, à l'exploration, fondées sur cette mise en jeu narrative du parcours.
L'œuvre de Christy Ridgely pourrait n'être qu'un récit interactif ludique parmi d'autres si elle n'était exposée, dans le contexte de cette galerie virtuelle, comme une œuvre du "Web Art". La structure narrative est intégrée à une œuvre d'art plastique qui joue de l'hypertexture du Web. L'œuvre littéraire, exclue des "Beaux Arts", retrouve une pertinence d'un nouveau type dans cette exposition comme œuvre d'art au sein d'une galerie. Le parcours interactif n'est pas seulement le moteur d'une histoire mais l'enjeu d'un questionnement. Le héros de ce récit, Charlie Crab, interroge l'internaute sur le choix qu'il va faire (en cliquant sur "good, "bad" ou "the worst") dont dépendra son destin. En cas de "mauvais choix" de l'internaute qui a décidé de faire mourir le crabe (par la pollution de la baie de Chesapeake ou dans la casserole d'un restaurant), le narrateur/personnage lui offre la possibilité de se "racheter", en revenant à un choix moins fatal. Il ne s'agit pas seulement d'explorer une histoire, mais de réfléchir sur l'incidence de ces choix interactifs qui affectent le devenir du personnage manipulé comme un "pantin" par la main fatale de l'internaute qui a pouvoir de vie ou de mort.
Dans l'œuvre d'Andrea Garron, en revanche, l'hypothèse d'un destin qui déciderait de nos parcours est évoquée non pas tant sous la forme d'une figure extérieure qui nous manipulerait que par l'énigme de ce qui meut le sujet dans ce qu'il croit être ses "choix". Cette œuvre, présentée dans la même galerie virtuelle, met en jeu la dimension du parcours comme expérience sous un mode très personnel, quasi "intimiste". Andrea Garron met en scène les routes qu'elle a suivies mais aussi celles qu'elle n'a jamais explorées, en s'interrogeant sur le moment décisif de ces choix qui, à chaque bifurcation, ont transformé son expérience, tant par l'influence du parcours effectué sur le devenir de son identité que par l'incidence, par défaut, des parcours non empruntés qui auraient pu modifier son expérience dans une autre direction. Le récit de son cheminement personnel devient dès lors l'enjeu d'un questionnement sur le rôle respectif du choix, de la décision, de la chance, voire du destin, face à ces multiples bifurcations qui ont conduit à un parcours, plutôt qu'à un autre. Le trajet emprunté affecte le sujet dans sa teneur, précisément parce qu'il est vécu comme une expérience. Au-delà du partage d'une histoire personnelle, cette œuvre met l'accent sur l'incidence de la structuration hypertextuelle du Web qui nous confronte sans cesse à des choix ou à des découvertes dans lesquelles la part du hasard et de la chance intervient comme un élément non négligeable. À travers l'expérience de l'exil, Andrea Garron s'interroge sur l'impossibilité du retour dans la mesure où la personne qui reviendrait sur ses pas ne serait plus tout à fait la même que celle qui a choisi un autre parcours, puisque l'expérience de ce parcours a modifié la structure même de son être. Le réseau mondial du "World Wide Web" est interrogé comme espace interculturel susceptible de modifier la relation que les internautes entretiennent avec leur culture d'origine, suite à l'expérience de leurs parcours hypermédias qui sont autant de voyages traversant d'autres espaces culturels.
L'œuvre de Julia Glander, "Passport", interroge de ce point de vue la prétention à désigner l'art comme une entité homogène, au risque de dénier la pluralité culturelle des œuvres que l'histoire de l'art a désignées comme des "chef-d'uvres". Cette œuvre se présente comme la narration du parcours hypermédia d'un internaute qui se demanderait, à travers quelques recherches sur le "World Wide Web", qu'est-ce que l'art? La question suggérée, en filigrane, est celle de l'incidence du World Wide Web en tant qu'espace de confrontation multiculturel sur la définition des critères permettant de reconnaître une œuvre d'art comme telle, voire de la désigner comme un chef-d'œuvre. En présentant des vignettes de "chefs-d'œuvre" reconnus sur lesquelles on peut cliquer, cette œuvre intègre, de façon quasi parodique, le fonctionnement minimal de certains musées virtuels, au sein même de l'espace de l'œuvre. À rebours de l'illusion de cet "art à la portée de tous" (sous couvert de donner accès à quelques reproductions dont la pauvreté plastique ne laisse plus demeurer du "chef-d'œuvre" qu'une image stéréotypée), cette œuvre met en jeu la démarche plus exigeante du "Musée Imaginaire" dont un des objectifs essentiels, souligné par A. Malraux (1965), n'est autre que la mise en question de la hiérarchie des chefs-d'œuvre par la confrontation à des œuvres issues d'autres cultures ou à des formes d'art dites "mineures" qui peuvent créer, par le jeu des agrandissements que permettent les techniques de reproduction, un effet esthétique d'un nouveau type. Au-delà de sa valeur critique de mise en question, cette œuvre de Julia Glander nous confronte à la valeur artistique de ce questionnement sur la nature de l'art, tel qu'il peut être mené grâce à la structure hypertextuelle du "World Wide Web".
Ce type d'œuvre montre qu'une des voies d'exploration de l'hypertexture du Web dans les œuvres d'art passe par la mise au jour de l'incidence de sa teneur internationale. L'esthétique du parcours réveille l'incidence du voyage sur l'appréhension de l'art en tant qu'il nous confronte à une expérience interculturelle qui ne nous coupe pas de nos origines, mais qui nous invite à participer à la dynamique de la dissémination dans un espace-temps singulier où chaque zone locale est potentiellement mise en réseau avec d'autres.
Pour une étude plus approfondie des analyses de W. Benjamin dans cet essai, se reporter au chapitre 1 : "L'homme transformé en automate (W. Benjamin face à la reproduction mécanisée)", in RIEUSSET-LEMARIÉ (Isabelle), La société des clones à l'ère de la reproduction multimédia, Actes Sud, 1999.
© Isabelle Rieusset-Lemarié